DIES PALMARUM

Consacré à la tradition religieuse chrétienne des palmes tressées dans le monde méditerranéen, ce dossier a été rédigé par Robert Castellana, coordinateur du Projet Phoenix avec la collaboration de Jean Christophe Pintaud (IRD).  Source: CASTELLANA R., 2000. Culture, Introduction et Diffusion de Plantes à Usages Rituels en Méditerranée Occidentale. Actes des quatrièmes Journées universitaires corses de Nice, 7-9 novembre 1998 [organisés par le] Centre d’études corses de Nice (CECN). – Nice : Université de Nice, 2000 (06-Nice : Impr. Faculté des lettres). – 176 p., ill. ; 29 cm. Textes des communications en français et en corse. – Notes bibliogr. – DL 01-14093 (D1). – 944.99. – ISBN 2-9508315-2-4. pp. 115-127. Lire

Illustration de la Genèse et de l’Arbre de la Connaissance extraite du Beatus de Liebana. Saint-Sever France, ca 1060. BNF fol. 5v-6

Les plantes occupent une place importante dans les textes bibliques et parmi elles le palmier-dattier qui fait partie des principaux rites chrétiens orientaux, copte, byzantin, arménien, chaldéen, syrien ou maronite. Cette tradition remonte à la mention dans les Évangiles de l’entrée du Christ à Jérusalem. Le Dies Palmarum (Office des Palmes ou des Rameaux) est ainsi célébré depuis le 4ème siècle à Jérusalem et en Egypte par les églises chrétiennes. L’introduction de l’imagerie du palmier en Occident, où cet arbre était alors inconnu, remonte à l’époque où le monachisme et l’érémitisme se développèrent dans les déserts et les oasis du Moyen-Orient. Les palmiers, qui participaient du quotidien des moines, étaient en effet largement représentés dans les monastères. Ces mêmes monastères allaient être par la suite à l’origine de évangélisation de l’Europe, avec notamment l’installation d‘ermites orientaux sur la côte ligure, Sant’Ampelio à Bordighera et surtout Saint Honorat à Cannes, sur l’île de Lérins dont le rayonnement s’étendra jusqu’à l’Irlande. Les légendes relatives aux moines de Lérins et de Bordighera font explicitement allusion à la présence du palmier, qui devient vite incontournable dans l’iconographie chrétienne en Occident. On le retrouve dés lors dans l’architecture des églises et dans leur décoration, en tant qu’attribut des saints orientaux mais aussi des martyrs chrétiens. Le palmier possède donc dans l’Occident chrétien une connotation hautement exotique, celle d’un emblème de la Terre Sainte. Elle ressort plus particulièrement de la célébration du Dimanche des Palmes, le Dies Palmarum, qui inaugure la Semaine Sainte. Les moines et les moniales lui donneront une dimension de catéchisme populaire avec la diffusion de la tradition des feuilles de palmes tressées qui s’étend de nos jours à l’ensemble du monde chrétien. Mais au-delà de l’imagerie exotique et/ou religieuse, l’histoire du Dies Palmarum est aussi celle de l’introduction et de la diffusion d’une plante, avec la fondation des deux palmeraies médiévales d’Elche en Espagne et de Bordighera en Italie.

SOMMAIRE DU CHAPITRE

Les pages de ce chapitre donnent accès aux principales cérémonies et traditions rituelles du Dies Palmarum dans le monde méditerranéen:

Origines La tradition du Dies Palmarum inaugure la principale des fêtes chrétiennes, la semaine pascale. Dans le monde méditerranéen, elle s’accompagne d’un riche artisanat populaire constitué de motifs religieux de folioles de palmes tressées. Cet artisanat remonte à l’essor du monachisme et de l’érémitisme dans les oasis du Moyen-Orient et par la suite lors de l’évangélisation de l’Europe.

Orient Dans l’Orient chrétien, au sens le plus large du terme, l’Office des Palmes est célébré par toutes les églises au moins depuis le 4ème siècle à Jérusalem, avec toutefois une grande diversité dans les rituels. Le Dies Palmarum commémore comme en Occident l’entrée du Christ à Jérusalem, où il fut accueilli comme le Roi d’Israel, selon la tradition juive du messianisme et le récit chrétien des Évangiles.

Egypte Les palmes blanches tressées sont omniprésentes dans la liturgie copte du Dimanche des Palmes. La croix portée par le prêtre est ainsi ornée de ces tressages. Les pains de la messe, les prosphora, sont eux aussi décorés de palmes tressées en forme de croix placées dans un panier en palmes, le qurban. On confectionne encore, pour l’office, une croix de palmes et de branches d’oliviers ornée de bougies.

Ethiopie Les célébrations liturgiques et populaires de la Semaine Sainte se retrouvent dans l’ensemble des églises d’Orient et notamment dans l’une des plus anciennes d’entre elles, l’Eglise africaine d’Ethiopie. Dénommé Hossana, le Dies Palmarum éthiopien s’apparente par bien des aspects aux cérémonies des Coptes égyptiens.

Grèce L’Office des palmes occupe une place tout particulière en Grèce, où la dimension rituelle du palmier existait déjà dans l’Antiquité autour du culte d’Apollon. La Grèce fait par ailleurs partie des régions de production de palmes blanches, une tradition qui a subsisté dans l’île de Zachintos (Zante).

Rome 600 palmes blanches étaient fournies à Rome par les courtiers de la palmeraie de Bordighera. La moitié d’entre elles étaient tressées par les sœurs du Monastère des Camaldolesi en formes de petites croix distribuées aux fidèles. Les autres étaient destinées à la procession et aux monastères. Les moniales tressaient aussi la grande palme destinée au Pape. Fixée sur un support de bois, elle était ornée de fleurs et portait une image sainte à son sommet

Sardaigne La Sardaigne conserve la plus riche des traditions de palmes tressées du monde méditerranéen. Elle remonte au moins au XII° siècle, et probablement au-delà, comme l’atteste le maintien sur l’île d’un artisanat de tressage à caractère profane usant de la feuille du palmier autochtone, Chamaerops humilis.

Espagne En Espagne, la tradition du Dies Palmarum demeure très vivante. Elle s’inscrit dans le cadre des processions spectaculaires de la semaine sainte, dont une quinzaine ont été classées comme patrimoine national. Le centre historique de cette tradition se trouve à Elche. Il s’agit vraisemblablement de la plus ancienne des traditions de palmes tressées à usage rituel qui se soit maintenue jusqu’à nos jours, avec les traditions coptes d’Egypte et d’Ethiopie et celles italiennes de la Sardaigne et de Bordighera.

Corse Comme en Sardaigne et en Espagne, la tradition du Dies Palmarum est particulièrement représentée en Corse, où elle possède la même dimension de catéchisme populaire. L’originalité de la fête corse réside dans la confection des pullezzule et des “grands palmes”. Il s’agit de tressages de grandes dimensions composés de folioles de palmes représentant des motifs choisis parmi des thèmes religieux.

Riviera Située aux confins de l’aire culturelle italienne, la tradition de la Riviera nisso-ligure emprunte à la fois à l’artisanat de la palme tressée et aux coutumes européennes des rameaux, appelés rampau en provençal. En ce qui concerne la France, c’est seulement dans cette région que l’artisanat de la palme tressée est attesté, suite au voisinage de la palmeraie italienne de Bordighera qui fournissait les tresseurs en palmes blanches.

France Les traditions de la Provence correspondent, comme dans le reste de la France, à celles communes à l’ensemble de l’Europe du Nord, avec l’emploi de rameaux verts. La coutume apparaît en Europe vers le VIIIe siècle. Ces rameaux se composent de diverses plantes, dont la caractéristique est de présenter des feuilles vertes : du buis, du laurier, de l’olivier, du saule ou du houx, voire l’if ou le sapin. Les rameaux provençaux, les rampau, étaient souvent décorés de pâtisseries, d’oranges ou de bonbons, ainsi que de papier argenté ou doré et de figurines en pain d’épice.

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