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Chap 1.Origines

Citer cet article: CASTELLANA Robert 2014. Dies Palmarum. La tradition religieuse des palmes tressées dans le monde méditerranéen. CRP ed. Publication en ligne. Lien

Ill. Le Dies Palmarum en Ligurie au début du XX° siècle (photographie de Schmucker)

INTRODUCTION. La tradition du Dies palmarum inaugure la principale des fêtes chrétiennes, la semaine pascale. Dans le monde méditerranéen, elle s’accompagne d’un riche artisanat populaire constitué de motifs religieux de folioles de palmes tressées. Cet artisanat remonte à l’essor du monachisme et de l’érémitisme dans les oasis du Moyen-Orient. Il prendra sa forme actuelle par la suite lors de l’évangélisation de l’Europe. C’est en effet dans le contexte des monastères que voit le jour la confection des palmes tressées qui inaugure la semaine sainte. Il s’agit de motifs des plus variés dont certains illustrent (ou se rattachent) à l’histoire sainte. Leur diffusion allait concerner l’ensemble du monde méditerranéen. Les monastères semblent avoir  par ailleurs contribué à la diffusion d’une riche iconographie religieuse, allant de la Vierge Marie aux saints et aux martyrs, où le palmier occupe là aussi une place importante à différents titres. Cette tradition prend place le dimanche qui précède la semaine sainte, avec l’office des palmes, dénommé Dies palmarum ou dimanche des rameaux. L’office chrétien des palmes n’est pas sans rappeler celui des fêtes du nouvel an juif, au cours desquelles le palmier fait l’objet d’un bouquet des plantes rituelles.

Ill. Entrée du Christ à Jérusalem. Pietro Lorenzetti Assise 1320

LES SOURCES EVANGELIQUES. L’office du Dies palmarum commémore l’Entrée du Christ à Jérusalem. Elle est rapportée dans des termes voisins par les 4 Evangiles, dont les principaux extraits sont rapportés ci-dessous. On notera cependant que ces textes ne mentionnent pas tous le palmier, et encore moins les palmes tressées, mais plutôt des feuillages dont la nature n’est pas clairement précisée.

Jean XII, 12-13. Le lendemain, une foule nombreuse, qui était venu pour la fête, ayant appris que Jésus venait à Jérusalem, prit des branches de palmier, et alla au-devant de Lui, en criant: Hosanna! Béni soit Celui qui vient au nom du Seigneur, le Roi d’Israël!

Luc XIX, 28-36. Jésus marchait en avant de ses disciples pour monter à Jérusalem. À l’approche du mont des Oliviers, il envoya deux disciples : «Allez au village qui est en face. À l’entrée, vous trouverez un petit âne attaché: personne ne l’a encore monté. Détachez-le et amenez-le». Ils amenèrent l’âne à Jésus, jetèrent leurs vêtements dessus, et firent monter Jésus. À mesure qu’il avançait, les gens étendaient leurs vêtements sur le chemin.

Matthieu XXI, 8-9. Le peuple, en foule, étendit ses vêtements sur la route ; certains coupaient des branches aux arbres et en jonchaient la route. Les foules qui marchaient devant lui et qui suivaient, criaient : “Hosanna au fils de David ! Béni soit celui qui entre au nom du seigneur ! Hosanna au plus haut des cieux !”

Marc XI, 1-8. Jésus et ses disciples approchent du mont des Oliviers. Jésus envoie deux de ses disciples: Allez au village qui est en face de vous. Dès l’entrée, vous y trouverez un petit âne attaché, que personne n’a encore monté. Détachez-le et amenez-le. Ils amènent le petit âne à Jésus, le couvrent de leurs manteaux, et Jésus s’assoit dessus. Alors, beaucoup de gens étendirent sur le chemin leurs manteaux, d’autres, des feuillages coupés dans la campagne.

Ill. Egypte : le saint ermite Onophrios représenté dans une icône copte

LES SOURCES MONACHIQUES. En Orient, à l’époque où le christianisme se développe, les palmiers nourrissent les ermites de leurs fruits, comme Onophrios représenté ici à côté du palmier qui passait pour avoir assuré sa subsistance. Ils servent aussi aux moines à fabriquer des nattes, des paniers, des sandales et des vêtements. Une inscription rapporte ainsi que Macaire était «allé avec d’autres solitaires […] pour couper des branches de palmiers dont ils faisaient leurs ouvrages.»

Parfois aussi, le palmier sert à représenter la croix et la littérature copte fait même allusion à une symbolique religieuse du palmier: «Il est écrit que le juste s’élèvera comme un palmier. Cette parole signifie l’élévation des bonne choses et leur douceur, et [elle indique] qu’il n’y a qu’un seul “cœur” à [l’intérieur du] palmier : tout son intérieur est blanc. Il ressemble ainsi au juste […] en présence de Dieu, regardant vers lui seul et possédant la lumière de la foi : en effet, toute l’œuvre du juste est dans son cœur. Quant aux épines du palmier, qui transpercent, ce sont les combats du juste contre le Diable».

Ill. Sainte Ursule et les 100 vierges martyres. 1491. Vittore CARPACCIO dell’Accademia, Venice

LA TRADITION HAGIOGRAPHIQUE. Le palmier est très présent dans l’hagiographie comme attribut d’un grand nombre de saints chrétiens. Il s’agit pour l’essentiel de martyrs, en relation évidente avec les valeurs attribuées à la palme dans les traditions gréco-romaine issues des civilisations orientales. Dans le même temps, les célébrations de l’Office des Palmes sont introduites dans la liturgie de la Pâque en Occident, avec la célébration du Dimanche des Rameaux, le Dies Palmarum. Cette célébration va donner naissance à une riche tradition populaire. Elle s’accompagne de l’introduction du palmier-dattier en Espagne, avec la création de la palmeraie d’Elche, puis en Italie lors de la fondation de la palmeraie de Bordighera. Ces deux palmeraies vont produire les feuilles de palmiers destinées à l’office et aux tressages qui l’accompagnent.

Illustration: Bernard Picart, Antoine Auguste. Procession des palmes chez les Juifs portugais. Bruzen de La Martiniere. 1721

LA TRADITION JUIVE. Lorsque les temps forts du cycle végétal correspondent à ceux du calendrier festif, une plante vient souvent symboliser une fête et ses rituels. C’est le cas des Juifs, qui usent rituellement du palmier à l’époque de sa fructification, lors de la fête dite des Cabanes, soukkhot. Cette dimension calendaire correspond aussi aux cérémonies de la nouvelle année. Les fêtes juives entretiennent par ailleurs un rapport direct avec l’Egypte. Elles perpétuent en effet le souvenir du départ des Juifs de ce pays: « Vous demeurerez dans les tentes durant 7 jours […/…] afin que vos générations sachent que j’ai donné des tentes pour demeure aux enfants d’Israël quand je les ai fait sortir d’Égypte » précisent les textes sacrés qui fondent cette tradition.

Les commémorations de soukkhot consistent dans l’édification de la “cabane” rituelle (la soucca), dont le toit est souvent fait de palmes et qui doit être située en plein air, balcon, jardin, cour ou terrasse. Abri provisoire, rappelant les installations des pasteurs nomades, la cabane rituelle doit aussi être un lieu agréable et convivial, où l’on va se réunir toute la semaine à l’heure du repas. Il arrive même qu’on y dorme, dans l’esprit des origines de la tradition. A l’occasion des prières et des offices religieux qui accompagnent cette fête, une palme prend place au centre d’un bouquet composé de deux autres plantes, le saule et le myrte, ainsi que d’un fruit de cédrat. On présente ce bouquet vers les quatre points cardinaux, la terre et le ciel. On le processionne aussi autour de l’autel de la synagogue. Une dernière procession, plus solennelle, vient clore les fêtes, avec les cérémonies de Hosha’ana Rabba. En cette occasion, l’autel est parfois décoré de deux piliers faits de branches de saule, et nettoyé cérémonieusement avec des rameaux de ce même arbre, ou au moyen de palmes, qui trouvent là un dernier emploi religieux.

REPERES BIBLIOGRAPHIQUES

CASTELLANA R. 2011. La phoeniciculture historique en Italie: description de la palmeraie médiévale de Bordighera (région de Sanremo-Ligurie) et de l’artisanat italien du tressage des palmes. Communication présentée au I° International Symposium on Date Palm (Alger 2011). Link

CASTELLANA et alii 2013. The Historic Phoeniciculture in Italy. Issued by ISHS Acta Horticulturae 994 (39-52) in Proceedings of the First International Symposium on date palm, Algiers, Algeria, November 13-14, 2011. Link

COQUIN R.G. 1981. Conférence de M. René-Georges Coquin sur le ‘Récit de Papnoute’, consacré à la vie de l’ermite égyptien Onophrios. In École pratique des hautes études, Section des sciences religieuses. Annuaire. Tome 90, 1981-1982. 1981. pp. 343-348. Link

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ICONOGRAPHIE

Dimanche des palmes et Dimanche des Rameaux. Aux sources de la tradition du Dies Palmarum, les représentations de l’arrivée du Christ à Jérusalem se divisent en deux catégories. Dans la première le Christ est accueilli par des fidèles portant des feuilles de palmier. Dans la seconde il s’agit d’autres végétaux. Ces quelques exemples de peintures, fresques et icônes (qui ne sont pas toujours référencées) donnent une idée des modèles iconographiques qui seront largement diffusés dans le monde chrétien.

1. Le Dies Palmarum et les palmes

2. Le Dies Palmarum et les rameaux

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