2015-2024. HISTORIQUE DE LA LUTTE INTÉGRÉE (INTEGRATED PEST MANAGEMENT = IPM) CONTRE LES RAVAGEURS DES PALMIERS RHYNCHOPHORUS FERRUGINEUS & PAYSANDISIA ARCHON (FRENCH & ITALIAN RIVIERA). STATUT: COMPTE-RENDU. Lien
Le réseau franco-italien Riviera Gardens de jardins botaniques a vu le jour en 2015, à l’initiative de Robert Castellana, dans le cadre du projet Phoenix. Il rassemble un important partenariat scientifique, institutionnel et associatif. Ses membres se réunissent régulièrement depuis 2015 à l’invitation de la Direction de l’Aménagement Urbain (DAU) de la Principauté de Monaco et plus récemment de la Ville de Cannes. Avec 130 espèces et une trentaine de genres de palmiers, les jardins botaniques de cette région représentent en effet un conservatoire patrimonial exceptionnel. Ils témoignent de l’histoire de cinq siècles d’acclimatation d’une plante qui a donné naissance à des paysages emblématiques. Ces paysages sont désormais menacés, ainsi que leurs collections botaniques. Le réseau Riviera Gardens vise à soutenir des stratégies dites de Lutte Intégrée (Integrated Pest Management = IPM), au travers de la mise en commun des expertises et des moyens de ses membres, notamment en matière de Recherche et de Développement. La lutte intégrée ne consiste pas dans un catalogue de techniques disponibles. Ces techniques doivent en effet être hiérarchisées. C’est pour cela que l’on parle de stratégie. A la base de la pyramide on trouve la prévention, qui évitera d’avoir recours aux étages suivants, les techniques de lutte. Les principes de base de la Lutte Intégrée viennent d’être adoptés en tant que standard international par la FAO en ce qui concerne les palmiers.

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RAVAGEURS DES PALMIERS : NOUVELLES MENACES ?
SOMMAIRE
1. HISTORIQUE
2. ÉCHANTILLONS OBSERVES
3. DÉTAIL DES COLLECTIONS
4. BIBLIOGRAPHIE
Abstract. Les principaux jardins et associations de Bordighera (Italian Riviera) ont créé en 2014 le Collectif ‘Non c’e più tempo’, dans le but de fédérer les initiatives et de mutualiser les moyens. Ce Collectif s’est élargi par la suite en direction des jardins botaniques de la région française frontalière. Cette mise en réseau s’est déroulée dans le contexte très préoccupant de la diversification en cours des cibles du ravageur vers les plantations ornementales de palmiers dattiers de la palmeraie médiévale de Bordighera, un problème qui concerne aussi l’ensemble des pays du Sud méditerranéen. La compréhension de la dynamique de ce transfert est par ailleurs essentielle du fait des menaces qu’elle pourrait représenter pour un grand nombre d’espèces de palmiers, voire même pour d’autres plantes d’intérêt. Elle pourrait aussi être d’une grande utilité en matière de diversification des plantations en milieu urbain, en ce qui concerne le choix d’espèces de remplacement.
1. HISTORIQUE
Chronologie de l’infestation en Europe
*Phase 1: dispersion et exploration de nouveaux habitats (1ère année)
*Phase 2: installation et croissance exponentielle sur Phoenix canariensis (2-7 ans).
*Phase 3: transfert vers la ressource résiduelle (8 ans et +).
Transfert du ravageur vers la ressource résiduelle en Sicile en 2009 et 2011

Ill. Espèces de palmiers infestés en Sicile au début du transfert du ravageur (Longo et alii 2009)

Ill. Recensement des populations de Rynchophorus ferrugineus sur les diverses espèces de palmiers infestés en Sicile (Longo et alii 2011)
2. ECHANTILLONS OBSERVES. Six échantillons sont actuellement pris en compte dans l’étude de diversification des cibles des ravageurs conduite auprès des correspondants de notre réseau depuis 2015. Les données recueillies dans les collections de nos jardins ont permis d’établir que sur un total de 103 espèces 47 ont été attaquées (soit 45%). Ces données portent toutefois sur un très petit nombre d’exemplaires pour chacune des espèces concernées et ne sont donc pas représentatives des populations ornementales urbaines.
Espèces ornementales urbaines
ECHANTILLON 1: Italie du Sud. Source : Longo. 12 espèces représentatives de la palmeraie urbaine
ECHANTILLON 2: Sud de la France. Source : Fous de Palmiers. 19 espèces représentatives de la palmeraie urbaine
Collections botaniques
ECHANTILLON 3: Côte d’Azur. Source : Villa Thuret INRAE. Collection botanique de 32 espèces
ECHANTILLON 4 : Côte d’Azur. Source : Villa Caryota SPF. Collection botanique de 69 espèces
ECHANTILLON 5 : Côte d’Azur. Source : Val Rahmeh MNHN. Collection botanique de 74 espèces
Préliminaires méthodologiques : résistance et appétence. La question de la sensibilité des palmiers ornementaux aux attaques des ravageurs semble relever dans la littérature scientifique de deux approches antinomiques ou complémentaires :
*il s’agit si l’on se place du côté du palmier, de l’emploi des termes de Résistance / Tolérance / Sensibilité & Résilience
*si l’on se place du côté du ravageur, on relève les termes de Appétence / Opportunisme / Mutations & Virulence
En ce qui concerne notre recension bibliographique, la connaissance de ces mécanismes de type résistance ou appétence, qui est une approche qualitative, semble peu documentée pour le moment. Cette situation nous a conduit à privilégier une approche quantitative se limitant à une étude statistique des attaques recensées dans les échantillons mentionnés.
Résultats & interprétation. Les échantillons 1 (Italie du Sud) & 2 (Sud de la France) attestent d’un fort impact des ravageurs sur les principales espèces qui composent les palmeraies ornementales urbaines (allant jusqu’à 73%). En matière de collections botaniques, l’échantillon 4 (Côte d’Azur) est le plus représentatif de la moyenne des observations (avec 45%). Globalement, ces chiffres pourraient donc laisser penser à l’existence d’une cinquantaine d’espèces de substitution. Ces résultats ne prennent pas en compte toutefois les nombreux paramètres, notamment environnementaux, relatifs aux possibilités de mise en culture de ces palmiers, à l’âge des spécimens, à sa survie aux attaques ou encore à l’importance des populations de ravageurs présentes.

Recherches en cours. Nous continuons de notre côté d’affiner nos données d’observation avec la prise en compte de la définition du risque donnée par la norme ISO 14121, soit la combinaison de la probabilité d’apparition d’un dommage et de la gravité (ou incidence) de ses conséquences. La combinaison de ces deux facteurs permet de donner lieu à une matrice de synthèse reposant sur 4 niveaux de risques, soit : rouge (inacceptable), orange (acceptable si prévention), jaune et vert (acceptables voire nuls). Au regard des données disponibles, nous avons retenu les deux critères suivants : 1) fréquence = nombre d’années d’observation-exposition ; 2) occurrence = nombre d’attaques recensées/nombre de spécimens observés. La combinaison de ces deux critères donne un indice pondéré de probabilité (ou fréquence) du type « x% de spécimens attaqués par an », ce qui nous a permis de définir trois niveaux soit peu fréquent, assez fréquent, très fréquent. Nous nous intéressons aussi aux méthodologies épidémiologiques, et notamment au Taux de reproduction de base Ro (angl. basic reproductive rate), qui mesure la contagiosité d’une maladie soit le nombre moyen de personnes qu’une personne contagieuse pourrait infecter. Ce modèle est en effet très proche de la matrice de criticité du type gravité x fréquence présentée précédemment. Nous nous intéressons enfin aux concepts de virulence et de mutualisme. La virulence désigne l’intensité pathogène d’un micro-organisme. Elle est mesurée par la diminution de la valeur sélective (survie et/ou reproduction) de l’hôte due à l’infection. La théorie «traditionnelle» en épidémiologie stipule que l’évolution tendrait à modifier les relations entre l’hôte et le parasite vers le mutualisme, une relation à bénéfice réciproque dans laquelle le parasite ménagerait son hôte afin d’assurer sa multiplication et sa transmission (avirulence hypothesis).
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3. DETAIL DES COLLECTIONS
RIVIERA GARDENS. Les jardins botaniques de la riviera franco-italienne rassemblent plus de 100 espèces répartis dans une trentaine de genres de palmiers, soit ACOELORRHAPHE (wrightii), AIPHANES sp, ALLAGOPTERA (arenaria), ARCHONTOPHOENIX sp, ARECA (catechu), ARENGA (engleri), BRAHEA sp, BUTIA sp, CARYOTA sp, CEROXYLON sp, CHAMAEDOREA sp, CHAMAEROPS humilis sp, CHAMBERONYA (macrocarpa), GUIHAIA (argyrata), HOWEA (forsteriana), JUBAEA (chilensis), LICUALA sp, LIVISTONA sp, NANNORROHOPS sp, PARAJUBAEA sp, PHOENIX sp, RHAPIDOPHYLUM (hystrix), RHAPIS sp, RHOPALOSTYLIS (sapida), ROYSTONEA (hispaniolana), SABAL sp, SERENAO (repens), SYAGRUS (romanzoffiana), THRINAX (radiata), TRACHYCARPUS sp, TRITHRINAX sp, VEITCHIA (merrillii), WASHINGTONIA sp, WODYETIA (bifurcata).
PALM RESIST. L’Inrae mène (depuis 2019) une étude dont les résultats sont en train d’être publiés dans le cadre du projet Palm Resist. Ce projet consiste dans l’évaluation de la survie et de la caractérisation de différentes espèces de palmiers tolérantes aux nouveaux ravageurs, visant à diversifier la palette utilisable dans les villes et jardins de la Riviera. A l’issue de l’étude, l’objectif est de proposer des espèces de substitution aux palmiers actuellement menacés. Des fiches relatives aux principales espèces de palmiers présentes dans les collections azuréennes sont mises en ligne à ce propos sur le site du Jardin Thuret. Lien
PALMIERS AMERICAINS. Les informations récentes en provenance de la région des Caraïbes viennent confirmer l’installation du charançon rouge du palmier (Red Palm Weevil) dans la région. Il s’agit de l’île franco-néerlandaise de Saint Martin mais aussi du Mexique où les dégâts sont spectaculaires. Le ravageur est par ailleurs présent de manière massive en Uruguay. Lien
4. BIBLIOGRAPHIE
Inventaire (en cours) des publications consacrées au transfert du ravageur vers de nouveaux hôtes (publications en accès libre normalement)
AZAM K.M., RAZVI S.A., AL-MAHMULI I. 2001. Survey of Red Palm Weevil, (Rhynchophorus Ferrugineus Oliver) infestation in Date Palm in Oman. In : 2nd International Conf. on Date Palms. (al-Ain, UAE). pp. 25-27. Link http://www.pubhort.org/
BARRANCO P., J. A. DE LA PEÑA, M. M. MARTÍN Y T. CABELLO 2000. Rango de hospedantes de Rhynchophorus ferrugineus (Olivier, 1790) y diámetro de la palmera hospedante. (Coleoptera, Curculionidae). In: Bol. San. Veg. Plagas, 26: 73-78, 2000.
BOURGUET S. 2013. Dynamique de l’hybridation dans le genre Phoenix sur la Riviera italienne. Caractérisation génétique et phénotypique. Master Biologie des Plantes et des Micro-organismes, IRD CBAE, Montpellier (France). Link http://www.listephoenix.com/
CASTELLANA R., 2014. « Le jardin Winter de Bordighera menacé de disparition ». In : Revue Le Sauvage. Culture et écologie. (Revue en ligne, juillet 2014). Link http://www.lesauvage.org/
CANGELOSI B, CLEMATIS F, MONROY F, ROVERSI PF, TROIANO R, CURIR P, LANZOTTI V. 2015. Filiferol, a chalconoid analogue from Washingtonia filifera possibly involved in the defence against the Red Palm Weevil Rhynchophorus ferrugineus Olivier. In: Phytochemistry Volume 115, July 2015, Pages 216-221.
DEMBILIO O, J. A. JACAS, E. LLACER 2009. Are the palms Washingtonia filifera and Chamaerops humilis suitable hosts for the red palm weevil Rhynchophorus ferrugineus (Col. Curculionidae)? In: J. Appl. Entomol. 133 (2009) 565–567.
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FERRY M., GOMEZ S. 2012. Charançon rouge des palmiers, mises au point sur la lutte. In: Phytoma (658: 38-41), novembre 2012. Link http://www.fousdepalmiers.com/
GIGLEUX C. 2019. Le Strelitzia reginae, nouvel hôte du Charançon Rouge du Palmier. In: BSV JEVI -5- CORSE.
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