Citer cet article: CASTELLANA Robert 2014. Dies Palmarum. La tradition religieuse chrétienne des palmes tressées dans le monde méditerranéen. Chapitre 10: Riviera. CRP ed. Publication en ligne. Lien

Illustration: représentation de palmes tressées et de rameaux gourmands extraite des ‘Costumes de Nice’ (BARBERI 1831)
Située aux confins de l’aire culturelle italienne, la tradition de la Riviera nisso-ligure emprunte à la fois à l’artisanat de la palme tressée et aux coutumes européennes des rameaux, appelés rampau en provençal. En ce qui concerne la France, c’est seulement dans cette région que l’artisanat de la palme tressée est attesté, suite au voisinage de la palmeraie italienne de Bordighera qui fournissait les tresseurs en palmes blanches grâce à la technique de la ligature.
Le palmeto de Bordighera. La palmeraie historique de Bordighera remonte au moyen-âge. Elle ne produit pas de dattes (en raison de la maturation incomplète des fruits), mais des feuilles destinées à des rituels religieux communs aux chrétiens et aux juifs. Il s’agit de la palme blanche (dite Romana) pour les fêtes chrétiennes de Pâques et des jeunes pousses de feuilles (dite Ebrea) pour les fêtes juives de Soukhot. Les premières mentions de ces cultures rituelles sont attestées à Bordighera et à Sanremo dès le moyen-âge. La région devient à cette époque le fournisseur officiel du Vatican, mais aussi celui des communautés juives d’Europe. Les traditions juives et chrétiennes nécessitent par ailleurs une mise en culture des palmiers respectant des prescriptions rituelles très rigoureuses. Ces savoir-faire se sont conservés jusqu’à nos jours à Bordighera, où l’on dénombre encore un millier d’arbres. La palmiculture rituelle s’est aussi accompagnée, sous l’influence des traditions juives et musulmanes, de l’introduction des agrumes en Méditerranée, entre l’Antiquité et le début du moyen-âge, notamment avec le cédratier dont le fruit participe comme la palme au bouquet rituel juif.

Illustration : carte postale de Ghensiger (fin 19ème siècle)
La ligature des palmiers. La technique de culture des palmes destinées au Dies palmarum obéit à une exigence rituelle relative à leur couleur, laquelle doit être la plus blanche possible. On use pour cela d’une technique de ligature. En juillet, le “palmiste” attache à cet effet le “cœur” (ou “oeil”) de l’arbre, c’est-à-dire l’ensemble des feuilles centrales, en forme de bouquet. En l’absence de lumière, les palmes prennent au cours de leur croissance une couleur blanche, due à l’absence de réaction chlorophyllienne. Les palmiers mis en ligature sont “ouverts” quelques semaines avant la Pâque. L’arbre ne sera plus exploité avant 2 ans. La récolte peut comporter jusqu’à une vingtaine de feuilles. Elles seront employées tel quel pour l’Office des Palmes ou bien travaillées pour la réalisation de tressages.

Illustration: l’ometti, un tressage destiné au bouquet rituel de la fête juive de soukkhot pratiqué à Bordighera
Palmes juives et chrétiennes. Les témoignages directs recueillis auprès des derniers cultivateurs nous ont appris qu’ils avaient élaboré une distinction entre les palmiers susceptibles de produire les feuilles destinées aux deux religions. Les sources historiques sont muettes sur cette typologie paysanne. Elle repose sur le souci d’économiser les opérations d’ascension, longues, pénibles et dangereuses. La distinction établie entre les palmiers en fonction de leur production, repose sur la forme de la partie terminale des feuilles (l’apex) et sur celle du feuillage de l’arbre. Les palmes juives sont courtes et raides, les folioles sont larges, peu fendues, et l’extrémité des palmes est dense et arrondie. L’arbre possède un port plutôt érigé. Les palmes chrétiennes sont longues et arquées, les folioles sont étroites et profondément fendues, et l’extrémité des palmes est peu fournie et plus pointue. Le port de l’arbre est retombant (pleureur). Cette typologie paysanne a fait l’objet d’une étude morphométrique qui a invalidé sa pertinence.
BIBLIOGRAPHIE
Des rameaux et des palmes dans la tradition niçoise. Link: http://www.nice.fr/
Essai de caractérisation des morphotypes ‘juifs’ et ‘romains’ de palmiers dattiers. Link: morphometrie
Les traditions juives. Link: anthropologie
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ICONOGRAPHIE
Les principaux motifs. L’artisanat du tressage des palmes est toujours très vivant sur l’ensemble de la Riviera franco-italienne. Les principaux motifs et figures que nous avons pu recenser sont * les fleurs (ou roses), * le bénitier (ou vase), * le panier et ses dérivés, * les croix (à 4, 6 voire 8 branches), * le frison (ou accordéon, dit aussi montre), * le ventre (ou panse, ou bien poisson), * la colombe, *la balle, * la barque, qui est une spécialité de Bordighera de même que l’étui (ometti) destiné à la fête juive et toutes sortes de tressages composites où ces motifs sont associés, ou d’autres plus originaux qui relèvent de l’inspiration de l’artisan.
1 Italian Riviera





















2 French Riviera

























3. la technique de ligature des palmiers

















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