Skip to content

2. Le cédrat

Citer cet article: CASTELLANA Robert 2014. La fête juive de Soukkot et les traditions religieuses des palmes dans le monde méditerranéen. Chapitre 2/3 : le cédrat. CRP ed. Publication en ligneLien

  • Sommaire du chapitre
  • Pureté rituelle et hybridation
  • Citrus medica : distribution
  • Les critères de pureté rituelle du cédrat

Illustration. Diffusion de Citrus medica en Occident

Abstract. Les itinéraires souvent surprenants suivis par les plantes présentent tout autant d’intérêt pour l’historien des sociétés humaines que pour le naturaliste. Les plantes qui composent le bouquet rituel de la fête juive de Souccot font ainsi l’objet de prescriptions rituelles très précises. On trouve parmi elles le cédrat (etrog), dont l’introduction atteste de l’existence d’un vaste réseau, concernant l’ensemble de la Méditerranée et s’étendant même jusqu’au Yémen et à la façade atlantique du Maroc. Cette entreprise pionnière en matière d’acclimatation, relève d’une étonnante collaboration qui associe les Juifs, les Chrétiens et les Musulmans, à des titres divers et à des périodes différentes. Initiée dès l’Antiquité par les Juifs avec le cédratier (Citrus medica), elle connaît un tournant majeur lors de l’introduction du bigaradier (Citrus bigaradia), due aux Arabes. Cet agrume robuste servira en effet de porte-greffes et permettra par la suite l’introduction des agrumes les plus délicats. L’introduction des agrumes allait toutefois poser des problèmes de pureté rituelle (kashrout) du aussi à la forte propension à l’hybridation chez ces plantes.

Illustration. Origine des agrumes. Curk Franck et al. Annals of Botany. 2016

Pureté rituelle et hybridation. L’introduction des agrumes dans l’ère culturelle méditerranéenne débute dès l’Antiquité, lorsque les Juifs implantent dans ces régions la culture du cédratier (Citrus medica) à des fins rituelles. Au moyen-âge, l’arrivée d’une variété porte-greffe, le bigaradier, va poser la question de la pureté rituelle du cédratier. Les caractéristiques définissant cette pureté rituelle ont été définies au fil des siècles au travers de descriptions d’ordre morphologiques, concernant les différentes parties du fruit. Ce n’est que récemment qu’une étude de caractérisation génétique a été entreprise. Elle confirme dans ses grandes lignes la pertinence des définitions traditionnelles de la Kashrout. L’étude a concerné 12 genotypes de Citrus medica L. qui ont été comparés à d’autres agrumes très proches : Citrus  maxima  Merr.,  Citrus  reticulata  Blanco,  Citrus  limon  (L.)  Burm.  F. et  Citrus  aurantium  L. Source : NICOLOSI E., LA MALFA S., EL-OTMANI M., NEGBI M., GOLDSCHMIDT E.E. 2005. The Search for the Authentic Citron (Citrus medica L.). Historic and Genetic Analysis. In HORT SCIENCE 40 (7) 1963–1968. Lien

Citrus medica: distribution. L’histoire du cédratier est indissociable de celle des agrumes. Il est le seul représentant de cette grande famille connu du monde antique. Une grande confusion existe à propos de sa dénomination, Citrus Cedra, Citrus Persica ou Citrus Medica. Il en va de même à propos de son origine. L’époque de son introduction est tout aussi controversée. Le cédratier est cependant largement répandu au Moyen-Orient dès les débuts de notre ère. Le monde antique en connaît même plusieurs espèces. La plus petite passait alors pour la souche israélienne. Il existait aussi une variété « grosse », importée du Yémen, ainsi qu’une variété douce et une variété amère.Les témoignages historiques et ceux que nous avons recueillis auprès des cultivateurs italiens, nous apprennent que les courtiers venant négocier les achats de plantes rituelles juives étaient des rabbins. Ceux qui se rendaient dans le centre italien de production de Bordighera/San Remo, en Ligurie, venaient de Suisse, d’Angleterre et du nord de l’Italie. Ils partaient ensuite en Calabre pour y faire l’acquisition de l’élément le plus prisé du bouquet rituel, le cédrat. Siège de ces cultures rituelles, le Sud italien est aussi la zone historique d’introduction et de diversification des agrumes en Méditerranée occidentale. Ses origines remontent au moins à l’époque romaine, avec l’acclimatation du cédratier.

Illustration. Les trois parties du fruit prises en compte en matière de kashrout

Les critères de pureté rituelle du cédrat. L’histoire du cédratier est étroitement liée à celle des Juifs, qui le diffusèrent dans l’ensemble du monde méditerranéen à des fins rituelles et médicinales. Le cédrat, mentionné par les textes sacrés comme « un fruit de toute beauté », est la seule plante du bouquet rituel juif dont les critères botaniques soient aussi explicitement décrits. Pour répondre à cette prescription d’ordre esthétique, c’est à dire morphologique, le fruit doit conserver intacte son intégrité et celle des différents éléments qui le composent. Tous sont en effet susceptibles d’altérations diverses, essentiellement causées par les insectes et les maladies. Ces exigences rituelles constituent une intéressante grille d’observation botanique, assurément l’une des plus anciennes qui nous soient parvenues. Les altérations principales touchent l’écorce avec la présence de taches, de traces de cicatrices ou de trous, causés par les épines et les insectes. C’est surtout la qualité des extrémités (roshana ou rose, pitoum et pédoncule), qui donne sa valeur au fruit. La couleur et l’aspect du cédrat constituent d’autres éléments d’appréciation, plus subjectifs, où le sentiment esthétique entre pleinement en jeu. La forme idéale du fruit repose ainsi sur l’équilibre harmonieux et proportionné de ses trois parties. Les deux extrémités doivent être de préférence coniques, l’extrémité supérieure n’étant pas trop large, le corps bien marqué, plutôt cylindrique, ni rond, ni carré, voire éventuellement légèrement concave. La présence de nervures latérales est souvent appréciée. Quant à la forme d’ensemble, particulièrement sujette à variations en ce qui concerne les cédrats, on privilégie la symétrie. Les fruits répondant à ces qualités idéales sont extrêmement rares et chers.

En savoir plus

CASTELLANA Robert 2000. Culture, introduction et diffusion de plantes à usages rituels en Méditerranée occidentale. In Actes des IV° Rencontres Universitaires Corses de Nice. Lien

CASTELLANA Robert 2015. Le cédrat et l’orangeraie azuréenne. CRP Ed. en ligne. Lien