
*l’analyse génétique, morphologique et phénologique des palmiers implantés sur ce site en marge de leur aire naturelle de culture,
*les besoins en eau du palmier dattier,
*la gestion des sols et des déchets végétaux,
*la gestion écosystémique et durable des cultures associées,
*la bio-diversité en matière de faune et de flore,
*la régénération du site de la palmeraie historique et de ses écosystèmes.
Ces recherches ont été conduites dans un souci de développement durable, faisant appel à peu de moyens et orienté vers une optimisation de l’agro-biodiversité. Le site a par ailleurs été l’objet d’une expérimentation (contrainte) de lutte intégrée (Integrated Pest Management) contre le Charançon Rouge du palmier (Red Palm Weevil). Apparu en 2007 dans les plantations urbaines ornementales, ce ravageur s’est ensuite diffusé, en 2013, en direction de la palmeraie historique. Nos expérimentations ont pris fin en 2018 suite à l’absence de soutien des partenaires institutionnels italiens. Les pages qui suivent rendent compte des initiatives que nous avons développées dans le Jardin Expérimental de Bordighera, entre 2008 et 2018, en matière d’irrigation, de biodiversité (faune et flore) et de patrimoine.
1.PALMICULTURE
Un dispositif d’irrigation automatique par goutte à goutte a été mis en place, sur une moitié du terrain dans un premier temps afin de pouvoir évaluer son efficacité. Si l’irrigation s’est révélée particulièrement bénéfique, le système de goutte à goutte a vite montré ses limites. Le jardin a en effet attiré les blaireaux vivant dans le vallon, lesquels trouvaient un sol meuble qu’ils pouvaient creuser pour se nourrir. Ils ont ainsi détérioré à plusieurs reprises les tuyaux et il a fallu abandonner cette technologie. Un dispositif d’arrosage manuel a donc été installé sur l’ensemble des parcelles. Son inconvénient réside dans le fait que l’arrosage du terrain prend trois heures, deux fois par mois pendant quatre mois. Un projet de goutte à goutte alternatif a été élaboré. Il consistait à intégrer les tuyaux dans des barrières délimitant les plates-bandes. Il n’a pu être réalisé faute de trouver une subvention.
Les problèmes rencontrés dans ce domaine nous ont convaincus que la gestion d’un jardin de ce type doit différer de celle des espaces verts ou des plantations agricoles.
* le recyclage des pétioles s’est inspiré d’une technique locale de fabrication de terreau, qui consiste à les mélanger avec de la terre. Les pétioles ont été enterrés à cet effet dans les allées du jardin, la terre extraite servant à recouvrir les lasagnes, ce qui améliore grandement leur efficacité.
* suite à l’observation de la décomposition naturelle des stipes sur pied, sous l’action de leur colonisation par divers insectes, nous avons procédé à leur regroupement, après les avoir découpés en tronçons, sur plusieurs points du site. Le principal agent de cette décomposition naturelle est un coléoptère, le cétoine doré. Le résultat final consiste en une sorte de tourbe végétale qui peut être directement répandue sur le terrain.
* les déchets résiduels ont été utilisés soit directement comme combustible, soit brûlés en andains afin d’obtenir du charbon de bois. Ce charbon de bois a ensuite été ajouté au compost, une technique d’amendement connue en agronomie tropicale sous le nom de “biochar”.
2.FLORE

* faciès sous-bois (zones ombragées). Il s’agit des parcelles où le couvert des palmiers est particulièrement dense. C’est le faciès originel de la palmeraie. Une association végétale s’est rapidement imposée. Elle se compose des plantes suivantes: Asparagus (2 variétés), Clorophytes (2 variétés), Consoudes, Fougères (2 variétés), Misères (4 variétés), Pervenches (3 variétés), Phytolaca, Ruscus, Solanum nigrum, Sedum (variété à fleurs blanches). Cette association végétale est remarquable par sa rusticité et sa stabilité. Elle ne nécessite aucun entretien particulier. Les plantes qui suivent ont aussi été expérimentées dans ces mêmes espaces mais avec moins de succès: Ajuga repens, Begonia bulbeux, Bergenia, Buxus, Cyclamen, Dianthus (plumarius?), Digitale, Euchères (2 variétés), Fraises (2 variétés), Hortensia, Hosta, Kalistemon, Myosotis (2 variétés), Néflier, Pachysandra, Papyrus, Potentille, Ricin, Violettes.
* faciès plates-bandes (zones semi-ouvertes). Il s’agit des parcelles où les palmiers sont peu nombreux, suite à la déforestation partielle du site. Les plantes suivantes ont été introduites: Abutillion, Agatea, Anthemis, Asparagus (2 variétés), Astilbe, Belle de nuit, Bulbinella, Dahlia, Dianthus, Dimorphotèque, Erigeron, Euryops, Forsythia, Fraises, Gaillardes (2 variétés), Gazania, Geranium citronelle, Glaieuls, Gueule de loup, Hellebore, Hypericus (Millepertuis), Iris, Iberis, Lantana, Lavandes, Mélisse, Potentille, Sauge arbustive, Scaevola, Sedum (variété à feurs blanches), Senecio Cinéraire, Skeflera, Stachys, Verbasco, etc. Les plantes qui se sont imposées sont Asparagus, Bulbinella, Dianthus et Iris.
* faciès graminée bleue (zones ouvertes). Il s’agit des parcelles où les palmiers étaient quasi absents. Ces espaces étaient en grande partie colonisés par une graminée bleutée envahissante présentant l’avantage de ne pas sécher en été ce qui limite les risques d’incendie. Les plantes suivantes ont été introduites, avec peu de succès: Achillée, Anémone de mer, Anthemis, Buddleia, Gazania, Geraniums, Hypericum (Millepertuis local), Lavandin, Pimprenelle, Potentille, Salvia Derowskobia, Stachys, Thymus. Les meilleurs résultats ont été obtenus avec Agapanthe, Dimorphotèque, Euryops, Iris, Kikuyu, Laurier rose, Salvia officinalis et Senecio cinéraire. Ces résultats demeurent toutefois globalement insatisfaisants.
* ANNEXE Autres introductions diverses expérimentées: adonis aestivalis, agrostemma githago, achillea milefolium, Agrimonia eupatoria, amni, aneth, Angelica archangelica, Antirrhinum majus, calendula officinalis, Callistephus chinensis, centaurea cyanus, cheiranthus cheiri, chrysanthemum leucanthemium et coronarium, Cichorium intybus, Cistus ladanifera, Coreopsis lancéolé, Coreopsis verticille, Coriandrum sativum, Cosmos bipinnatus, Cynoglossum amabile, Cynoglossum nervosum, daucus carota, Delphinium, Digitalis, Dimorphothéca, Dracocephalium moldavica, Dryas suendermanii, Echinacea purpurea, Echium vulgare, Fuschia, Gaillardia, Galium album, Godetia grandiflora, Gypsophila, Helianthus annuus, Helichrysum, Hesperis matronalis, Ibéris sempervivens, Lathyrus odoratus, Lavandula, Leucanthemum vulgare, Linum grandiflora, Linum rubrum, Liseron, Lunaria annua, Lupinus perennis, Lychnis chalcedonica, Lythrum salicaria, Malva sylvestris, Matricaria perforata, Matricaria recutita, Mentha, Monarda citrodora, Narcissus pseudonarcissus, Nigella damascena, Ocimum basilicum, Oenothera lamarkiana ou biennis, Papaver, Petroselium sativum, Pimpinella saxifraga, Réséda, Rosmarinus, Sanguisorta minor, Saponaria, Silene armeria ou dioca, Sorghum nigrum, Taraxacum, Tripleurospermum maritimum, Viola tricolor, etc.. Divers bulbes et rhyzomes ont aussi été introduits au fur et à mesure de l’évolution des dispositifs, dans les espaces laissés libres: acidantheras, aquilegia, arums, asparagus plumosus, asparagus sprengeri, anemone blanda, dahlias, echinacea purpura, eranthis cilicica, eranthis hyemalis, fritillaria meleagris, gladiolus, hosta undulata albomarginata, hyacinthus orientalis, incarvillea delavayi, iris, ixias, kniphofia uvaria, liatris spicata, lupinus russel hybrids, muscari armeniacum, narcissus delnashaugh, sparakis, tulipa tarda.
LES INTRODUCTIONS VEGETALES EN ZONES MARGINALES
Liste des plantes introduites dans une optique écologique et/ou paysagère
* faciès oasien (jardin d’agrumes). Il s’agit de 2 parcelles où les palmiers sont présents en bordure. Les agrumes représentent ici une culture historique originellement associée au palmier. Les agrumes actuellement installés sont les citronniers, les cédratiers, kumkait et orangers.
* faciès plates-bandes adossées (zones murales). Il s’agit de la colonisation des murs de terrasses, lesquels représentent la moitié de la superficie du terrain. Les plantes expérimentées sont les suivantes : Chévre-feuille, Pandorea, Passiflore, Vigne, Griffe des sorcières, Fausse Valériane, Roncier sans épines. Ces espaces se sont par ailleurs révélés propices à des plates-bandes adossées avec Artemis, Datura, Ficus, Melisse, Menthe, Luzerne, Ruta.
* faciès corridors (zones arbustives & enherbées). Il s’agit de la mise en relation du jardin avec les propriétés voisines, ainsi que d’une volonté d’introduire des espèces ligneuses sur le site. Les arbres et arbustes choisis ont été les suivants : Aubépine, Aurundo donax, Chamaerops humilis, Dimorphoteca, Granium zonal, Hedera helix (lierre), Lantana, Laurier cerise, Laurus nobilis, Ligustrum italicum, Neflier, Nerium oleander (Laurier rose), Pitosporum, Pyracantha coccinea, Salvia Derowskobia, Viburnum tinus,
LA GESTION DES PLANTES INVASIVES
5 espèces de plantes envahissantes ont été recensées sur le site. Elles entraînent un appauvrissement important de la biodiversité. Leur présence offre toutefois certains intérêts. Tout en cherchant à éradiquer ces plantes, les expériences menées ont aussi visé à comprendre et à gérer leur extension afin de limiter leur prolifération par des barrages physiques et à les mettre en compétition.
1 Senecio deltoideus. Cette invasive originaire d’Afrique du Sud est désormais omniprésente dans toute la région littorale. Son avantage: elle produit une bio-masse importante, intéressante au niveau du compostage. Nous avons cherché à la contenir en vain par des introductions de plantes retombantes (en palissage des murs de terrasses), ou des introductions de plantes locales (en massifs et en couvre-sols).
2 Graminée bleutée à identifier. Cette graminée est extrêmement envahissante, mais facile à détruire. Elle présente toutefois l’avantage de ne pas se dessécher en été (ce qui limite les risques d’incendie), et de jouer un rôle de couvre-sol. Nous avons cherché à trouver des plantes capables de coexister avec elle.
3 Centaurée non identifiée. Cette centaurée (jacea, aspera, scabiosa ou nigrescens?) n’est que relativement envahissante, formant un massif à extension lente. Elle présente l’avantage d’attirer en permanence et en grande quantité divers insectes pollinisateurs, dont de nombreuses abeilles sauvages. Nous avons cherché à la limiter aux bordures des terrasses, car elle est retombante.
4-5 En cours d’identification. Ces deux dernières plantes poussent plus particulièrement dans les parties très ombragées, où elles empêchent la prolifération des herbes adventices. Nous avons cherché à les mettre en compétition entre elles, ainsi qu’avec diverses plantes locales ou introduites. Le dispositif s’est révélé très efficace, avec des espaces qui ne nécessitent depuis plusieurs années quasiment aucun entretien.
6 Introduction de plantes couvre-sols. Des plantes du type «couvre-sols» ont été introduites sur les plates-bandes délimitées autour des palmiers et en bordure des terrasses, afin d’observer leur développement. L’asparagus (présent sur le site où il était cultivé à des fins ornementales) s’était déjà installé spontanément autour de plusieurs palmiers. Les plantes introduites sont le millepertuis, le kikuyu, la pervenche, l’ageratum, la coche-lourde, l’achillée, ajuga repens, etc.
3.FAUNE
*Animaux. Nous avons aussi relevé la présence de nombreux lézards, scorpions, grenouilles et serpents (couleuvres et orvets), sur le terrain et dans les deux bassins dès leur remise en fonction, ainsi que de rats (qui se nourrissent des dattes), d’écureuils et de blaireaux (attirés par les lombrics des composts).
*Avifaune. En ce qui concerne l’avifaune, les merles viennent spontanément nicher dans les branches basses des palmiers. Les tourterelles sont elles aussi assez nombreuses à fréquenter la cime des arbres. Plusieurs rapaces survolent régulièrement la zone par ailleurs, ainsi que divers oiseaux marins. Des bassins à oiseaux ont été installés, accompagnés de mangeoires en hiver, afin d’attirer et de fixer les oiseaux sur le site. Des nichoirs ont aussi été mis en place à cet effet. On a aussi envisagé des installations similaires destinées aux chauves-souris, en voie de disparition dans le vallon.
*Restauration des bassins. Les deux bassins du jardin ont été restaurés et ont fait l’objet d’introduction de plantes aquatiques. Ces introductions ont grandement favorisé la reproduction de plusieurs espèces d’intérêt, dont les grenouilles et les libellules.
4.PATRIMOINE
Les initiatives en cours dans le jardin Expérimental concernent aussi la dimension patrimoniale de la palmeraie historique. Le Jardin Expérimental de Bordighera est en effet le dernier jardin de palmiers de la région. Nous avons cherché ainsi, dans un souci de conservation plus global du site, à nous inscrire dans les réseaux de jardins historiques et leurs circuits de visites touristiques. Nous avons participé dans le même esprit à une réflexion relative à la réhabilitation de l’ensemble du vallon, en collaboration avec les associations locales. La palmeraie de Bordighera occupe en effet l’embouchure d’un vallon méditerranéen d’une réelle richesse faunistique et floristique. Nous avons par ailleurs intégré le site historique de la palmeraie dans divers réseaux de collaborations Nord-Sud, autour de problématiques écosystémiques et socio-culturelles communes qui ont fait l’objet de plusieurs programmes de recherche dont ce site web rend compte.
VISITES GUIDEES Grace aux visites guidées gérées par diverses associations d’amateurs de botanique et d’écologie, le site de la palmeraie historique est désormais pleinement intégré aux réseaux touristiques et patrimoniaux des jardins de la Riviera. Un espace d’expositions a été mis en place à cet effet, qui peut accueillir des panneaux illustrés installés sur la clôture du jardin expérimental, en bordure du sentier où a été aménagé un balcon-belvédère panoramique. Ces expositions ont présenté, suivant les événements retenus, les expérimentations en cours ainsi que la tradition locale de la palmiculture ou d’autres thèmes artistiques et/ou patrimoniaux.
PALMICULTURE Cette initiative concerne la mise en culture de graines de palmiers issues d’exemplaires locaux en vue de la régénération du site historique. Elle est menée sur la parcelle voisine, mise à disposition par une association locale A Parmura. Ces palmiers sont destinés à être transplantés dans les jardins publics et privés de la commune. Une série de graines de palmiers hybrides a notamment été mise en culture, afin de prendre en compte cette dimension originale de la biodiversité locale. Le revival de la tradition de la palmiculture a par ailleurs connu ces dernières années un succès encourageant.
BIODIVERSITE Les collaborations en cours dans ce domaine visent à élargir la problématique phénicicole à la biodiversité, notamment en direction des réseaux de zones humides méditerranéennes et des oasis dites marginales. La palmeraie de Bordighera occupe en effet l’embouchure d’un vallon méditerranéen d’une réelle richesse faunistique et floristique, lequel ne fait actuellement l’objet d’aucune protection ni inventaire. Le palmier-dattier présente par ailleurs une diversité génétique exceptionnelle qui nous a conduit à mettre en place des collaborations Nord-Sud visant à la description de son cycle reproducteur à diverses latitudes.
ANTHROPOLOGIE Nos recherches se proposent plus largement de rendre compte de la place occupée par les plantes dans l’histoire des sociétés, et notamment dans les représentations identitaires de l’espace vécu. Elles concernent plus spécifiquement l’histoire de l’acclimatation de matériel végétatif dans le monde méditerranéen. Des investigations paysagères à caractère patrimonial sont menées à ce sujet en collaboration avec les archives locales, les historiens, les collectionneurs, divers instituts de recherche et les jardins botaniques de la région.
CONCLUSION