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Jardin Expérimental

Experimental Garden structure2008-2018 : une expérience de reconversion éco systémique d’un jardin historique de palmiers dattiers (Phoenix dactylifera)

 

Ill. l’organisation médiévale des jardins de palmiers de Bordighera

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Citer la publication : CASTELLANA R. 2021. 2008-2018 : une expérience de reconversion écosystémique d’un jardin historique de palmiers dattiers (Phoenix dactylifera). Publication en ligne. CRP Ed. Web link

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SOMMAIRE

Introduction

1.Palmiculture

2.Flore

3.Faune

4.Patrimoine

Conclusion

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Abstract

Le projet de Jardin Expérimental Phoenix a vu le jour à la fin de l’année 2008. Il concernait le dernier jardin de palmiers dattiers de la palmeraie historique de Bordighera. Située en Italie cette palmeraie remonte à la fin du moyen-âge. Le Jardin Expérimental Phoenix est donc l’un des rares jardins ayant perduré de cette époque jusqu’à nos jours. Il atteste aussi du plus ancien témoignage de l’introduction du palmier dattier en Europe, après la palmeraie espagnole d’Elche. Les recherches et expérimentations menées entre 2008 et 2018 ont concerné les domaines suivants:

*l’analyse génétique, morphologique et phénologique des palmiers implantés sur ce site en marge de leur aire naturelle de culture,

*les besoins en eau du palmier dattier,

*la gestion des sols et des déchets végétaux,

*la gestion écosystémique et durable des cultures associées,

*la bio-diversité en matière de faune et de flore,

*la régénération du site de la palmeraie historique et de ses écosystèmes.

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INTRODUCTION

Le projet de Jardin Expérimental Phoenix a vu le jour à la fin de l’année 2008. Il concernait le dernier jardin de palmiers dattiers de la palmeraie historique de Bordighera. Située en Italie cette palmeraie remonte à la fin du moyen-âge. Le Jardin Expérimental Phoenix est donc l’un des rares jardins ayant perduré de cette époque jusqu’à nos jours. Il atteste aussi du plus ancien témoignage de l’introduction du palmier dattier en Europe, après la palmeraie espagnole d’Elche. Ses productions étaient essentiellement destinées aux communautés juives d’Europe centrale et orientales pour leurs fêtes rituelles, ainsi qu’au Vatican pour les célébrations de la Pâque. Elles consistaient dans la culture de feuilles de palmiers devant répondre à des critères rituels propres à ces deux religions. La palmeraie historique de Bordighera abritait une centaine de jardins étagés en terrasses, dominant un vallon littoral lui aussi planté en palmiers. Le site comptait jusqu’au 20ème siècle environ 15000 palmiers. Lorsqu’a démarré ce projet les palmiers étaient dans un état de dégénérescence du essentiellement à leur âge avancé, ainsi qu’à l’absence d’irrigation et d’amendement des sols. L’état du jardin était toutefois bien meilleur que celui de l’ensemble de la palmeraie, devenue une friche agraire suite à l’abandon progressif de la plupart des cultures, et notamment de la palmiculture depuis une cinquantaine d’années. Le Jardin Expérimental se compose d’une dizaine de planches de terrasses très étroites et très escarpées. Il abrite une centaine de palmiers sur moins d’un hectare ainsi que deux bassins et une petite maison. Située à l’embouchure d’un torrent méditerranéen, la palmeraie dispose de ressources hydriques abondantes, mais la disposition des parcelles en terrasses étroites et l’absence d’un accès routier systématique rend difficile sa reconversion. A cela s’ajoute une forte pression immobilière sur l’ensemble de la région, et plus particulièrement sur ce vallon situé en bord de mer, à seulement 15 km de la Côte d’Azur (10 millions de touristes/an). L’ensemble de ces contraintes est donc assez similaire à celles que connaissent nombre de palmeraies de production dans le monde méditerranéen. Le projet de Jardin Expérimental a été conçu dans ce contexte, afin d’offrir une alternative viable à la déprise agraire actuelle. Une proposition inspirée des Parcs naturels Urbains (PNU), développés en France depuis une vingtaine d’années a été proposée sans succès. Les recherches et expérimentations menées entre 2008 et 2018 à Bordighera ont concerné les domaines suivants:
*l’analyse génétique, morphologique et phénologique  des palmiers implantés sur ce site en marge de leur aire naturelle de culture,
*les besoins en eau du palmier dattier,
*la gestion des sols et des déchets végétaux,
*la gestion écosystémique et durable des cultures associées,
*la bio-diversité en matière de faune et de flore,
*la régénération du site de la palmeraie historique et de ses écosystèmes.
Ces recherches ont été conduites dans un souci de développement durable, faisant appel à peu de moyens et orienté vers une optimisation de l’agro-biodiversité. Le site a par ailleurs été l’objet d’une expérimentation (contrainte) de lutte intégrée (Integrated Pest Management) contre le Charançon Rouge du palmier (Red Palm Weevil). Apparu en 2007 dans les plantations urbaines ornementales, ce ravageur s’est ensuite diffusé, en 2013, en direction de la palmeraie historique. Nos expérimentations ont pris fin en 2018 suite à l’absence de soutien des partenaires institutionnels italiens. Les pages qui suivent rendent compte des initiatives que nous avons développées dans le Jardin Expérimental de Bordighera, entre 2008 et 2018, en matière d’irrigation, de biodiversité (faune et flore) et de patrimoine.

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1.PALMICULTURE

Brunnen in Bordighera gravure E Pfals n°69Ill. un puits à Noria caractéristique du paysage agraire de la palmeraie de Bordighera

Le palmier dattier nécessite d’importants apports en eau pendant la saison chaude. Le système d’irrigation de la palmeraie de Bordighera reposait sur des canaux distribuant les eaux captées dans le vallon, à destination des parcelles et de leurs bassins. Des puits à balancier et à noria, installés dans la partie basse du site, venaient compléter le dispositif, lequel alimentait aussi les moulins du village. La 1ère phase de notre intervention a consisté à restaurer l’irrigation estivale des palmiers. La 2nde phase d’expérimentation a concerné l’amendement des sols. Les résultats ont été rapides et spectaculaires en matière de reprise végétative.

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IRRIGATION

Suite à la déprise agraire et à la disparition des dispositifs traditionnels d’irrigation, les palmiers connaissaient un important stress hydrique au cours des mois d’été, ce qui limitait drastiquement leur croissance et leur développement.
Un dispositif d’irrigation automatique par goutte à goutte a été mis en place, sur une moitié du terrain dans un premier temps afin de pouvoir évaluer son efficacité. Si l’irrigation s’est révélée particulièrement bénéfique, le système de goutte à goutte a vite montré ses limites. Le jardin a en effet attiré les blaireaux vivant dans le vallon, lesquels trouvaient un sol meuble qu’ils pouvaient creuser pour se nourrir. Ils ont ainsi détérioré à plusieurs reprises les tuyaux et il a fallu abandonner cette technologie. Un dispositif d’arrosage manuel a donc été installé sur l’ensemble des parcelles. Son inconvénient réside dans le fait que l’arrosage du terrain prend trois heures, deux fois par mois pendant quatre mois. Un projet de goutte à goutte alternatif a été élaboré. Il consistait à intégrer les tuyaux dans des barrières délimitant les plates-bandes. Il n’a pu être réalisé faute de trouver une subvention.
Les problèmes rencontrés dans ce domaine nous ont convaincus que la gestion d’un jardin de ce type doit différer de celle des espaces verts ou des plantations agricoles.

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AMENDEMENT & DPC

Plusieurs dispositifs de paillage (mulch) ont été expérimentés, en direction de la limitation de l’évapo-transpiration et de l’amendement des sols.

* les écorces de pin, une couverture classique utilisée en espaces verts, et qui est un matériau importé,

* la paille, qui n’est pas non plus une ressource locale mais qui est particulièrement économique,

* les feuilles de chêne, une ressource locale, et diverses autres feuilles d’arbre en automne,

* les feuilles et noyaux d’olivier, une ressource abondante sur le site,

* la canne de Provence (Aurundo donax), une autre ressource tout aussi abondante sur le site,

* les déchets des nombreux plants de lierre qui poussent sur le site et menacent la survie des arbres,

* un dernier paillage de type forestier, a été installé à partir de divers déchets provenant des palmiers (feuilles, spathes, et inflorescences découpées manuellement ou traités par vermi-compostage, et fibres de stipes décomposés naturellement).

Le paillage de type forestier s’est révélé le plus adapté, du fait qu’il permet le recyclage des déchets de taille de la palmeraie. Afin d’améliorer son efficacité, il a été combiné dans un premier temps aux autres matériaux, sous la forme de strates alternées au fil des saisons.

Le compostage des déchets du palmier dattier (DPC) est une technique pratiquée au niveau de l’économie du système oasien. Outre une gestion écologique des déchets de taille, il permet l’amendement régulier des sols. Cette technique nécessite toutefois des investissements coûteux, en matière de broyage des palmes et de main d’œuvre (en ce qui concerne la manutention des andains). Nous avons donc expérimenté plusieurs dispositifs alternatifs.

* la technique dite du lasagne, consiste à alterner des couches de déchets végétaux (non broyés) et de carton. Attirés par la cellulose, les vers de terre sont les agents de la transformation. Cette technique, qui ne concerne que les feuilles et le rachis, est à la fois très efficace et simple à mettre en œuvre.
* le recyclage des pétioles s’est inspiré d’une technique locale de fabrication de terreau, qui consiste à les mélanger avec de la terre. Les pétioles ont été enterrés à cet effet dans les allées du jardin, la terre extraite servant à recouvrir les lasagnes, ce qui améliore grandement leur efficacité.
* suite à l’observation de la décomposition naturelle des stipes sur pied, sous l’action de leur colonisation par divers insectes, nous avons procédé à leur regroupement, après les avoir découpés en tronçons, sur plusieurs points du site. Le principal agent de cette décomposition naturelle est un coléoptère, le cétoine doré. Le résultat final consiste en une sorte de tourbe végétale qui peut être directement répandue sur le terrain.
* les déchets résiduels ont été utilisés soit directement comme combustible, soit brûlés en andains afin d’obtenir du charbon de bois. Ce charbon de bois a ensuite été ajouté au compost, une technique d’amendement connue en agronomie tropicale sous le nom de “biochar”.

La technique du lasagne s’est révélée particulièrement intéressante. Elle a été pratiquée directement sur deux terrasses de culture et par la suite dans une dizaine de compostières. 

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2.FLORE

AgroforesterieSuite à des décennies de pratiques agricoles tournées vers des mono-cultures associées aux palmiers, le site présentait une extrême pauvreté en matière de bio-diversité. Une 3ème phase d’intervention a consisté à mettre en place plusieurs dispositifs expérimentaux destinés à instaurer un éco-système durable. Ces dispositifs s’inspirent du modèle oasien des cultures associées, abritant sous le couvert des palmiers deux étages de plantes arbustives et herbacées. Des plates-bandes ont ainsi été délimitées autour des palmiers, en bordure des terrasses ainsi qu’au pied des murs. Les parcelles ont tout d’abord fait l’objet de semis du type ‘jachère fleurie’ (parfois après un léger écobuage destiné à préparer les sols sans intervention mécanique). Au fur et à mesure de l’évolution de ces dispositifs, diverses plantes vivaces (de préférence mellifères) ont été introduites. Outre l’amélioration de la biodiversité, l’objectif de ces dispositifs expérimentaux visait aussi à donner naissance à un milieu équilibré ne nécessitant pas d’entretien particulier, afin de réduire les frais liés aux interventions régulières de taille de la végétation adventice. 

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LES PLANTES INTRODUITES DANS LE JARDIN EXPÉRIMENTAL 

* faciès sous-bois (zones ombragées). Il s’agit des parcelles où le couvert des palmiers est particulièrement dense. C’est le faciès originel de la palmeraie. Une association végétale s’est rapidement imposée. Elle se compose des plantes suivantes: Asparagus (2 variétés), Clorophytes (2 variétés), Consoudes, Fougères (2 variétés), Misères (4 variétés), Pervenches (3 variétés), Phytolaca, Ruscus, Solanum nigrum, Sedum (variété à fleurs blanches). Cette association végétale est remarquable par sa rusticité et sa stabilité. Elle ne nécessite aucun entretien particulier. Les plantes qui suivent ont aussi été expérimentées dans ces mêmes espaces mais avec moins de succès: Ajuga repens, Begonia bulbeux, Bergenia, Buxus, Cyclamen, Dianthus (plumarius?), Digitale, Euchères (2 variétés), Fraises (2 variétés), Hortensia, Hosta, Kalistemon, Myosotis (2 variétés), Néflier, Pachysandra, Papyrus, Potentille, Ricin, Violettes.
* faciès plates-bandes (zones semi-ouvertes). Il s’agit des parcelles où les palmiers sont peu nombreux, suite à la déforestation partielle du site. Les plantes suivantes ont été introduites: Abutillion, Agatea, Anthemis, Asparagus (2 variétés), Astilbe, Belle de nuit, Bulbinella, Dahlia, Dianthus, Dimorphotèque, Erigeron, Euryops, Forsythia, Fraises, Gaillardes (2 variétés), Gazania, Geranium citronelle, Glaieuls, Gueule de loup, Hellebore, Hypericus (Millepertuis), Iris, Iberis, Lantana, Lavandes, Mélisse, Potentille, Sauge arbustive, Scaevola, Sedum (variété à feurs blanches), Senecio Cinéraire, Skeflera, Stachys, Verbasco, etc. Les plantes qui se sont imposées sont Asparagus, Bulbinella, Dianthus et Iris.
* faciès graminée bleue (zones ouvertes). Il s’agit des parcelles où les palmiers étaient quasi absents. Ces espaces étaient en grande partie colonisés par une graminée bleutée envahissante présentant l’avantage de ne pas sécher en été ce qui limite les risques d’incendie. Les plantes suivantes ont été introduites, avec peu de succès: Achillée, Anémone de mer, Anthemis, Buddleia, Gazania, Geraniums, Hypericum (Millepertuis local), Lavandin, Pimprenelle, Potentille, Salvia Derowskobia, Stachys, Thymus. Les meilleurs résultats ont été obtenus avec Agapanthe, Dimorphotèque, Euryops, Iris, Kikuyu, Laurier rose, Salvia officinalis et Senecio cinéraire. Ces résultats demeurent toutefois globalement insatisfaisants.

* ANNEXE Autres introductions diverses expérimentées: adonis aestivalis, agrostemma githago, achillea milefolium, Agrimonia eupatoria, amni, aneth, Angelica archangelica, Antirrhinum majus, calendula officinalis, Callistephus chinensis, centaurea cyanus, cheiranthus cheiri, chrysanthemum leucanthemium et coronarium, Cichorium intybus, Cistus ladanifera, Coreopsis lancéolé, Coreopsis verticille, Coriandrum sativum, Cosmos bipinnatus, Cynoglossum amabile, Cynoglossum nervosum, daucus carota, Delphinium, Digitalis, Dimorphothéca, Dracocephalium moldavica, Dryas suendermanii, Echinacea purpurea, Echium vulgare, Fuschia, Gaillardia, Galium album, Godetia grandiflora, Gypsophila, Helianthus annuus, Helichrysum, Hesperis matronalis, Ibéris sempervivens, Lathyrus odoratus, Lavandula, Leucanthemum vulgare, Linum grandiflora, Linum rubrum, Liseron, Lunaria annua, Lupinus perennis, Lychnis chalcedonica, Lythrum salicaria, Malva sylvestris, Matricaria perforata, Matricaria recutita, Mentha, Monarda citrodora, Narcissus pseudonarcissus, Nigella damascena, Ocimum basilicum, Oenothera lamarkiana ou biennis, Papaver, Petroselium sativum, Pimpinella saxifraga, Réséda, Rosmarinus, Sanguisorta minor, Saponaria, Silene armeria ou dioca, Sorghum nigrum, Taraxacum, Tripleurospermum maritimum, Viola tricolor, etc.. Divers bulbes et rhyzomes ont aussi été introduits au fur et à mesure de l’évolution des dispositifs, dans les espaces laissés libres: acidantheras, aquilegia, arums, asparagus plumosus, asparagus sprengeri, anemone blanda, dahlias, echinacea purpura, eranthis cilicica, eranthis hyemalis, fritillaria meleagris, gladiolus, hosta undulata albomarginata, hyacinthus orientalis, incarvillea delavayi, iris, ixias, kniphofia uvaria, liatris spicata, lupinus russel hybrids, muscari armeniacum, narcissus delnashaugh, sparakis, tulipa tarda.

LES INTRODUCTIONS VEGETALES EN ZONES MARGINALES
Liste des plantes introduites dans une optique écologique et/ou paysagère
* faciès oasien (jardin d’agrumes). Il s’agit de 2 parcelles où les palmiers sont présents en bordure. Les agrumes représentent ici une culture historique originellement associée au palmier. Les agrumes actuellement installés sont les citronniers, les cédratiers, kumkait et orangers.
* faciès plates-bandes adossées (zones murales). Il s’agit de la colonisation des murs de terrasses, lesquels représentent la moitié de la superficie du terrain. Les plantes expérimentées sont les suivantes : Chévre-feuille, Pandorea, Passiflore, Vigne, Griffe des sorcières, Fausse Valériane, Roncier sans épines. Ces espaces se sont par ailleurs révélés propices à des plates-bandes adossées avec Artemis, Datura, Ficus, Melisse, Menthe, Luzerne, Ruta.
* faciès corridors (zones arbustives & enherbées). Il s’agit de la mise en relation du jardin avec les propriétés voisines, ainsi que d’une volonté d’introduire des espèces ligneuses sur le site. Les arbres et arbustes choisis ont été les suivants : Aubépine, Aurundo donax, Chamaerops humilis, Dimorphoteca, Granium zonal, Hedera helix (lierre), Lantana, Laurier cerise, Laurus nobilis, Ligustrum italicum, Neflier, Nerium oleander (Laurier rose), Pitosporum, Pyracantha coccinea, Salvia Derowskobia, Viburnum tinus,

LA GESTION DES PLANTES INVASIVES
5 espèces de plantes envahissantes ont été recensées sur le site. Elles entraînent un appauvrissement important de la biodiversité. Leur présence offre toutefois certains intérêts. Tout en cherchant à éradiquer ces plantes, les expériences menées ont aussi visé à comprendre et à gérer leur extension afin de limiter leur prolifération par des barrages physiques et à les mettre en compétition.
1 Senecio deltoideus. Cette invasive originaire d’Afrique du Sud est désormais omniprésente dans toute la région littorale. Son avantage: elle produit une bio-masse importante, intéressante au niveau du compostage. Nous avons cherché à la contenir en vain par des introductions de plantes retombantes (en palissage des murs de terrasses), ou des introductions de plantes locales (en massifs et en couvre-sols).
2 Graminée bleutée à identifier. Cette graminée est extrêmement envahissante, mais facile à détruire. Elle présente toutefois l’avantage de ne pas se dessécher en été (ce qui limite les risques d’incendie), et de jouer un rôle de couvre-sol. Nous avons cherché à trouver des plantes capables de coexister avec elle.
3 Centaurée non identifiée. Cette centaurée (jacea, aspera, scabiosa ou nigrescens?) n’est que relativement envahissante, formant un massif à extension lente. Elle présente l’avantage d’attirer en permanence et en grande quantité divers insectes pollinisateurs, dont de nombreuses abeilles sauvages. Nous avons cherché à la limiter aux bordures des terrasses, car elle est retombante.
4-5 En cours d’identification. Ces deux dernières plantes poussent plus particulièrement dans les parties très ombragées, où elles empêchent la prolifération des herbes adventices. Nous avons cherché à les mettre en compétition entre elles, ainsi qu’avec diverses plantes locales ou introduites. Le dispositif s’est révélé très efficace, avec des espaces qui ne nécessitent depuis plusieurs années quasiment aucun entretien.
6 Introduction de plantes couvre-sols. Des plantes du type «couvre-sols» ont été introduites sur les plates-bandes délimitées autour des palmiers et en bordure des terrasses, afin d’observer leur développement. L’asparagus (présent sur le site où il était cultivé à des fins ornementales) s’était déjà installé spontanément autour de plusieurs palmiers. Les plantes introduites sont le millepertuis, le kikuyu, la pervenche, l’ageratum, la coche-lourde, l’achillée, ajuga repens, etc.

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3.FAUNE

Avifaune nid de merleIll. nid de merles installé sur un rejet de palmier

Cette quatrième phase de notre intervention a concerné la faune sauvage (insectes, reptiles et batraciens, oiseaux et mammifères), encore bien représentée dans l’ensemble du vallon du fait de la proximité du torrent qui coule toute l’année et de la déprise agraire qui a conduit à l’ensauvagement d’un grand nombre de parcelles. A côté de la faune endémique, diverses espèces allogènes sont aussi présentes, et notamment le charançon rouge du palmier (Rhynchophorus ferrugineus) depuis 2007. Un premier palmier a été infesté en 2013 sur le terrain du Jardin Expérimental. Nous nous sommes attachés à voir si la gestion écosystémique du jardin peut contribuer à limiter l’expansion du ravageur. Le charançon connait en effet des antagonistes dans son milieu naturel.

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INVENTAIRE DE LA BIODIVERSITE ANIMALE

Bien qu’il s’agisse d’une zone sensible, située à l’embouchure d’un torrent méditerranéen, aucun inventaire faunistique n’a encore été réalisé à ce jour. Des observations partielles ont toutefois permis de relever la présence de chauves-souris et de lucioles, des espèces qui passent pour des indicateurs de bio-diversité. Plusieurs dispositifs ont été mis en place afin de favoriser la présence d’une faune diversifiée sur le site.

*Entomofaune. Les divers dispositifs de décomposition des déchets de palmiers ont permis d’observer la présence d’une intéressante entomofaune, dont le cétoine doré qui colonise les stipes morts dont il assure la décomposition. On a aussi relevé la présence de nombreux insectes, dont plusieurs se sont spécialisés sur une fleur particulière, ainsi que celle de papillons, de libellules, de guêpes et d’abeilles sauvages. Un dispositif sommaire a été mis en place pour favoriser la nidification de ces abeilles autochtones.
*Animaux. Nous avons aussi relevé la présence de nombreux lézards, scorpions, grenouilles et serpents (couleuvres et orvets), sur le terrain et dans les deux bassins dès leur remise en fonction, ainsi que de rats (qui se nourrissent des dattes), d’écureuils et de blaireaux (attirés par les lombrics des composts).
*Avifaune. En ce qui concerne l’avifaune, les merles viennent spontanément nicher dans les branches basses des palmiers. Les tourterelles sont elles aussi assez nombreuses à fréquenter la cime des arbres. Plusieurs rapaces survolent régulièrement la zone par ailleurs, ainsi que divers oiseaux marins. Des bassins à oiseaux ont été installés, accompagnés de mangeoires en hiver, afin d’attirer et de fixer les oiseaux sur le site. Des nichoirs ont aussi été mis en place à cet effet. On a aussi envisagé des installations similaires destinées aux chauves-souris, en voie de disparition dans le vallon.
*Restauration des bassins. Les deux bassins du jardin ont été restaurés et ont fait l’objet d’introduction de plantes aquatiques. Ces introductions ont grandement favorisé la reproduction de plusieurs espèces d’intérêt, dont les grenouilles et les libellules.

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GESTION DE RHYNCHOPHORUS FERRUGINEUS

Ce ravageur des palmiers est arrivé à Bordighera en 2007 dans les plantations ornementales de P. canariensis qu’il a fortement impacté. Le changement d’hôte du ravageur en direction de P. dactylifera en 2013, nous a conduit à mettre en œuvre une stratégie de Lutte Intégrée (Integrated Pest Management). Elle a reposé sur les cinq piliers suivants: absence de taille de feuilles vertes et gestion des déchets, mise en place de pièges, traitement par nématodes des rejets, protocole d’observation de symptômes d’infestations précoces, intervention curative immédiate par injection de pesticide.
*Voici les détails du dispositif d’installation du charançon rouge que nous avons pu observer, à la date du 17 octobre 2013, dans le Jardin Expérimental: “Projet Phoenix 2013. First occurrence of Rhynchophorus ferrugineus on date palm in Bordighera (Italy)”.Link:Phoenix Research Note
*L’apparition du ravageur des palmiers au voisinage du Jardin Expérimental nous a conduit à mettre en place une stratégie de lutte écosystémique, dont l’article suivant rend compte: “Transfert de Rhynchophorus ferrugineus vers la palmeraie de Bordighera (Italie)“. In: Fous de Palmiers June 2015 (n°83). Link:Castellana-Pintaud 2015.
*En savoir plus sur l’infestation à Bordighera et les techniques de lutte contre le charançon rouge (Rhynchophorus ferrugineus):listephoenix.com
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4.PATRIMOINE

Les initiatives en cours dans le jardin Expérimental concernent aussi la dimension patrimoniale de la palmeraie historique. Le Jardin Expérimental de Bordighera est en effet le dernier jardin de palmiers de la région. Nous avons cherché ainsi, dans un souci de conservation plus global du site, à nous inscrire dans les réseaux de jardins historiques et leurs circuits de visites touristiques. Nous avons participé dans le même esprit à une réflexion relative à la réhabilitation de l’ensemble du vallon, en collaboration avec les associations locales. La palmeraie de Bordighera occupe en effet l’embouchure d’un vallon méditerranéen d’une réelle richesse faunistique et floristique. Nous avons par ailleurs intégré le site historique de la palmeraie dans divers réseaux de collaborations Nord-Sud, autour de problématiques écosystémiques et socio-culturelles communes qui ont fait l’objet de plusieurs programmes de recherche dont ce site web rend compte.

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VISITES GUIDEES Grace aux visites guidées gérées par diverses associations d’amateurs de botanique et d’écologie, le site de la palmeraie historique est désormais pleinement intégré aux réseaux touristiques et patrimoniaux des jardins de la Riviera. Un espace d’expositions a été mis en place à cet effet, qui peut accueillir des panneaux illustrés installés sur la clôture du jardin expérimental, en bordure du sentier où a été aménagé un balcon-belvédère panoramique. Ces expositions ont présenté, suivant les événements retenus, les expérimentations en cours ainsi que la tradition locale de la palmiculture ou d’autres thèmes artistiques et/ou patrimoniaux.

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PALMICULTURE Cette initiative concerne la mise en culture de graines de palmiers issues d’exemplaires locaux en vue de la régénération du site historique. Elle est menée sur la parcelle voisine, mise à disposition par une association locale A Parmura. Ces palmiers sont destinés à être transplantés dans les jardins publics et privés de la commune. Une série de graines de palmiers hybrides a notamment été mise en culture, afin de prendre en compte cette dimension originale de la biodiversité locale. Le revival de la tradition de la palmiculture a par ailleurs connu ces dernières années un succès encourageant.

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BIODIVERSITE Les collaborations en cours dans ce domaine visent à élargir la problématique phénicicole à la biodiversité, notamment en direction des réseaux de zones humides méditerranéennes et des oasis dites marginales. La palmeraie de Bordighera occupe en effet l’embouchure d’un vallon méditerranéen d’une réelle richesse faunistique et floristique, lequel ne fait actuellement l’objet d’aucune protection ni inventaire. Le palmier-dattier présente par ailleurs une diversité génétique exceptionnelle qui nous a conduit à mettre en place des collaborations Nord-Sud visant à la description de son cycle reproducteur à diverses latitudes.

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ANTHROPOLOGIE Nos recherches se proposent plus largement de rendre compte de la place occupée par les plantes dans l’histoire des sociétés, et notamment dans les représentations identitaires de l’espace vécu. Elles concernent plus spécifiquement l’histoire de l’acclimatation de matériel végétatif dans le monde méditerranéen. Des investigations paysagères à caractère patrimonial sont menées à ce sujet en collaboration avec les archives locales, les historiens, les collectionneurs, divers instituts de recherche et les jardins botaniques de la région.

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CONCLUSION

Le Jardin Expérimental Phoenix est un jardin privé, qui a été géré entre 2008 et 2018 dans le cadre d’un partenariat franco-italien. Son objectif visait à assurer sa conservation ainsi que de contribuer à la réhabilitation de la palmeraie historique de Bordighera et de ses traditions. Le Centre de Recherches sur le Patrimoine (CRP-France) a été à l’origine de cette initiative dans le cadre du Projet Phoenix. Une vingtaine d’instituts de recherche, de jardins botaniques et historiques et d’associations locales ont par ailleurs participé et contribué à donner à ce projet une dimension internationale. Il reste à présent à l’inscrire dans le territoire et nous proposons en conclusion de s’inspirer à cet effet du modèle de Parc Naturel Urbain (PNU) 

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