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Gestion

LA LUTTE INTEGREE (INTEGRATED PEST MANAGEMENT – IPM). Les recherches menées depuis près de 30 ans ont conduit à mettre au point diverses techniques de lutte. Aucune ne permet toutefois (à elle seule et à ce jour), de régler le problème de manière satisfaisante. Recommandée (mais rarement mise en œuvre) dès les premières années de l’infestation, la stratégie dite de “Lutte Intégrée” (Integrated Pest Management = IPM) vise à les associer. La lutte intégrée ne consiste pas dans un catalogue de techniques disponibles. Ces techniques doivent en effet être hiérarchisées. C’est pour cela que l’on parle de stratégie. Au sommet de la pyramide on trouve la prévention, qui évitera d’avoir recours aux étages suivants, les techniques de lutte. Les progrès récents en matière de lutte biologique relancent son intérêt, dans un contexte où l’infestation a conduit à la dissémination d’importantes populations de ravageurs. Les principes de base de la Lutte Intégrée viennent d’être adoptés en tant que standard international par la FAO. Ce chapitre donne un accès documenté aux principales avancées en la matière, au travers des retours d’expériences collectés auprès des membres de notre réseau de jardins botaniques.

GESTION DES PLANTATIONS: BONNES PRATIQUES

Sommaire

1. Taille des palmiers

2. Abattage et traitement des déchets

3. Implication des propriétaires de palmiers et détection précoce des infestations

4. Contrôle du commerce des palmiers & diversification des plantations

5. Cartographies intégrées et interactives

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1. Taille des palmiers

La prévention concerne avant tout la gestion de la taille des arbres. L’idéal serait de la limiter à la seule taille des feuilles sèches. La taille des feuilles vertes entraîne en effet une émission d’odeurs susceptible d’attirer cet insecte doté d’un odorat très sensible. L’élagage est toutefois utile, notamment pour détecter la présence de larves au niveau de la base des pétioles, mais il devrait n’avoir lieu qu’en saison froide (janvier) et s’accompagner d’un recouvrement des tailles par un mastic. Il faudrait par ailleurs abandonner les tailles de type en boule et limiter au maximum la présence de bases pétiolaires, porte d’entrée du ravageur au niveau de la couronne foliaire. Chez le palmier dattier l’infestation peut aussi avoir lieu dans les rejets situés à la base du stipe, du fait que le charançon se déplace aussi au niveau du sol. Une ponte à ce niveau peut entraîner par la suite une diffusion dans le stipe. Le charançon a par contre du mal à grimper sur un stipe lisse. Une mesure de prévention consiste à éliminer un maximum de rejets et à “lisser” les stipes afin de limiter les possibilités offertes au charançon de trouver un abri à ce niveau. Les rejets taillés doivent par contre être soigneusement détruits pour éviter leur éventuelle infestation. Dans tous les cas, il est utile de traiter les blessures de taille avec un mastic approprié.

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2. Abattage et traitement des déchets

L’abattage des spécimens attaqués présente un réel intérêt, du fait que la majorité de la population de charançons adultes femelles reste dans les palmiers infestés, tant que ceux-ci offrent les conditions alimentaires et écologiques nécessaires à un nouveau cycle de reproduction. Lorsque les palmiers sont trop infestés, on assiste alors à une migration massive. L’abattage est donc une méthode de contrôle efficace des populations, si elle est pratiquée à temps d’où l’importance d’une détection la plus précoce possible. L’efficacité de l’abattage est toutefois limitée du fait qu’une petite partie des ravageurs avait déjà infesté les palmiers environnant. L’abattage pose par ailleurs le problème plus large de la gestion des déchets de taille. Afin d’éviter la dissémination d’insectes lors du transport des déchets vers une décharge, la solution désormais obligatoire en Europe est de broyer finement (et sur place) les déchets infestés. En ce qui concerne les palmeraies de dattiers, l’application du broyage est souvent impossible, soit à cause de l’absence de viabilité, ou encore de son coût trop élevé pour les propriétaires. On procédera alors à l’incinération des déchets. Une solution alternative consiste à traiter les déchets infestés avec un insecticide, couplé à un piège à phéromone. Une autre solution pourrait aussi résider pour de nombreux pays méditerranéens, dans l’immersion en mer des plus gros déchets. La question de la gestion des stipes laissés en place reste controversée, suite à des cas de ré infestation ayant entraîné des chutes. Si ces cas semblent peu fréquents, ils posent toutefois de sérieux problèmes de sécurité en milieu urbain.

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3. Implication des propriétaires de palmiers et détection des infestations

L’implication de l’ensemble des acteurs est une nécessité impérative, et un souci majeur au niveau des administrations locales pour savoir quel genre d’action à soutenir et à quel prix. Il faut par ailleurs donner aux acteurs les outils nécessaires à la gestion de leurs palmiers en matière de détection des symptômes d’infestation.Les deux principaux symptômes visuels caractéristiques d’une infestation sont :*l’émergence de feuilles rongées en forme de biseau. A ce niveau, les larves de charançons sont déjà présentes depuis plusieurs mois. Les feuilles émergentes ont en effet été rongées au cours de leur développement à l’intérieur du stipe.*l’affaissement de feuilles. A ce stade, les larves de charançons ont déjà atteint le pétiole (la base de la feuille) pour finaliser leur cycle de développement, ce qui entraîne son affaissement. Elles ont aussi creusé une cavité importante qui peut compromettre la survie du palmier. Des fenêtres d’inspection peuvent être pratiquées afin de détecter la présence de cocons à la base des feuilles. Pour le palmier dattier, l’infestation est particulièrement difficile à détecter comme le montre nombre de cas de chutes de ces palmiers encore munis de toutes leurs feuilles. A ces symptômes, il faut ajouter ceux qui peuvent relever (parfois dans le même temps) d’une attaque de papillon palmivore, P. archon.

En savoir plus : essai de typologie des modalités d’infestation du palmier dattier (Monaco 2016)

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4. Contrôle du commerce des palmiers & diversification des plantations

La question de la résistance des diverses espèces de palmiers en matière d’infestation demeure un domaine en cours d’investigation du plus grand intérêt. Ces recherches pourraient en effet permettre de régénérer les palmeraies ornementales urbaines. Elles pourraient aussi permettre de mieux contrôler (voir même d’interdire) le commerce de certains palmiers à risque d’infestation.

Au niveau scientifique :  L’existence de phénomènes de résistance est loin d’être établie. En ce qui concerne la plus ou moins grande appétence des ravageurs, la présence conjointe de nématodes associés au charançon rouge (Monochoides macrospiculum), de même qu’au charançon du cocotier R. palmarum, celle de la bactérie Serratia marcescens, ainsi que la présence de communautés de champignons endophytes propres à chaque espèce de palmiers, laisserait penser que le charançon n’est pas à lui seul responsable des modalités de la diversification en cours l’infestation des diverses espèces de palmiers.

Au niveau empirique : Nous avons établi une liste des espèces de palmiers attaqués à ce jour par le ravageur Paysandisia archon (et donc susceptibles de l’être aussi par le charançon rouge), ainsi qu’une liste d’espèces non-attaquées. Il s’agit ci-dessous des observations menées depuis dix ans (2007-2017) dans le jardin botanique de la Villa Caryota à Frèjus sur un échantillon de 248 palmiers de 25 genres et 90 espèces.

Espèces attaquées: Acoelorraphe wrightii, Arenga engleri , Brahea (4 espèces: aculeata, armata, dulcis, edulis), Chamaerops humilis, Jubaea chilensis, Livistona (4 espèces :australis, chinensis, decora decipiens, saribus), Nannorrohops arabica, Phoenix (5 espèces : dactylifera au niveau des rejets, reclinata, robellini, theophrasti), Sabal (4 espèces : bermudana, mauritiiformis, minor, palmetto), Serenao repensSyagrus romanzoffiana Trachycarpus sp (10 espèces attaquées sur les 15 répertoriées), Trithrinax acanthocoma.Espèces non attaquéesAllagoptera arenariaBrahea (2 espèces: calcarea, decumbens), Butia (3 espèces : catanirensis, odorata, yatay sujets adultes), Caryota maxima himalayaChamaedorea (4 espèces: Glaucifolia, metallica, radicalis, seifriizii), Livistona (2 espèces: drudei, nitida attaqué sans développement), Phoenix sylvestrisRhapis (3 espèces : excelsa, humilis, multifida), Sabal (8 espèces : causiarum, domingensis, etonia, rosei, texana mexicana, uresana, yapa), Trithrinax campestris (sujet adulte), Washingtonia filifera (sujets adultes). Source Jean Christophe Jacon Carrier (Société Palmophile Francophone).

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5. Cartographies intégrées et interactives

La détection précoce des infestations, et les plateformes de cartographie informatique qui leur sont associés, représentent le principal pilier des Stratégies de Lutte Intégrée (IPM). Le retard dans la détection d’un palmier infesté compromet en effet la possibilité d’intervenir sur l’évolution de l’infestation, comme sur la survie du spécimen concerné. Il est donc indispensable de mettre en œuvre un protocole de détection précoce intégré à des outils de suivi du développement des infestations. Les outils informatiques existants, largement diffusés et accessibles, sont tout à fait en mesure de remplir ces fonctions de manière coordonnée et participative. Le piégeage massif représente une technique de lutte d’une grande efficacité dans ce contexte. Les systèmes de lutte informatique associent une application pour smart phone au niveau des plantations à un logiciel de type GIS qui synthétise les alertes et permet la cartographie des infestations. Ils permettent aussi de cartographier directement les plantations de palmiers à partir d’images satellitaires. Outre une détection précoce (et donc une intervention rapide c’est-à-dire plus efficace), ces systèmes permettent de plus l’implication et la coordination de tous les acteurs, une optimisation dans la répartition des pièges (qu’il s’agisse d’un piégeage de contrôle ou d’un piégeage de lutte) ainsi qu’une évaluation permanente de l’efficacité des stratégies de lutte en cours.

Exemple de cartographie GIS d’une palmeraie urbaine (Ville d’Ajaccio)

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