2015-2024. HISTORIQUE DE LA LUTTE INTÉGRÉE (INTEGRATED PEST MANAGEMENT = IPM) CONTRE LES RAVAGEURS DES PALMIERS RHYNCHOPHORUS FERRUGINEUS & PAYSANDISIA ARCHON (FRENCH & ITALIAN RIVIERA). STATUT: COMPTE-RENDU. Lien
Avec le Projet Phoenix, nous avons mis en œuvre un réseau d’échanges d’expériences qui rassemble les principales collections de palmiers des jardins botaniques de la Côte d’Azur française et italienne, soit une centaine d’espèces, introduits dans ces régions depuis la fin du moyen-âge. Une partie importante de ces palmiers a désormais colonisé les espaces verts de la région. Ils sont à l’origine d’un paysage emblématique à forte valeur touristique. Plusieurs de ces espèces ont aussi une valeur patrimoniale, en termes de biodiversité : il s’agit des palmiers méditerranéens autochtones. Nommé Riviera Gardens, notre réseau a pour objectif d’échanger à propos de nos protocoles de lutte contre les ravageurs émergents et de promouvoir une stratégie de Lutte Intégrée (Integrated Pest Management). La lutte intégrée ne consiste pas dans un catalogue de techniques disponibles. Ces techniques doivent en effet être hiérarchisées. C’est pour cela que l’on parle de stratégie. A la base de la pyramide on trouve la prévention, qui évitera d’avoir recours aux étages suivants, les techniques de lutte. Outre les tutelles scientifiques des jardins botaniques, le réseau Riviera Gardens rassemble plusieurs instituts de recherche, en Italie, Espagne et Tunisie, ainsi que divers acteurs publics et privés.

LES TECHNIQUES DE LUTTE CHIMIQUE CONTRE LE RAVAGEUR DES PALMIERS RHYNCHOPHORUS FERRUGINEUS
Sommaire
1. Analyse des risques (Hazard analysis)
2. L’assainissement mécanique
3. L’assainissement chimique
Abstract. La lutte chimique, qui devrait constituer l’ultime recours en matière de lutte intégrée, a été systématiquement promue dans les stratégies européennes sous deux modalités : l’aspersion de pesticides au niveau de la partie sommitale des palmiers et l’injection de ces mêmes pesticides à l’intérieur du stipe. Les techniques d’aspersions d’insecticides chimiques rencontrent plusieurs obstacles. Le principal réside dans la faible persistance des produits, ce qui peut conduire à renouveler les aspersions tous les mois pour des palmiers très sensibles comme Phoenix canariensis. Ces produits peuvent par ailleurs impacter de nombreuses espèces animales, sans parler des opérateurs qui les appliquent et de la population notamment en milieu urbain.
1. Analyse des risques (Hazard analysis). Les techniques d’aspersions d’insecticides chimiques ont montré une réelle efficacité, en matière de lutte préventive. De nombreux propriétaires (publics et privés) ont ainsi traité avec succès leurs palmiers de cette manière, en respectant un minimum de règles de sécurité. Techniquement, l’aspersion peut être réalisée à de moindres frais en utilisant une lance d’arrosage télescopique couplée à une motopompe, ou une installation à demeure de tubes fixes. Afin d’éviter la dispersion des produits dans l’environnement, il était par ailleurs judicieusement conseillé de procéder à une diffusion lente par arrosage au sommet de l’arbre, plutôt qu’à une pulvérisation. Un grand désordre a toutefois régné dans le domaine phytosanitaire en matière réglementaire, qu’il s’agisse de la variation des produits autorisés d’un pays à l’autre ou encore des conditions d’accès à ces mêmes produits. Il existe pourtant un standard d’évaluation de la dangerosité des pesticides, nommé Quebec Risk Indicator=IRPeQ, reposant sur une base de données internationale. Cet index croise 2 types d’impacts, sur la santé (Health Risk Index=HRI) et sur l’environnement (Environmental Risk Index=ERI). En Europe, ces impacts ont par contre été évalués au seul niveau des fiches de données de sécurité (FDS) publiés par les firmes, et il n’existe pas (à notre connaissance) un comparatif entre ces produits équivalent au Quebec Risk Indicator.

Illustration : liste indicative des principales formulations existantes (Source: Victoria Soroker – Palm Protect).
L’impact des pesticides sur l’environnement et la santé est par contre un problème majeur en ce qui concerne les palmeraies de production fruitière (relativement à la présence de résidus de pesticides dans les dattes) ainsi que dans les palmeraies ornementales en milieu urbain. En ce qui concerne les palmeraies ornementales en Europe, l’emploi de pesticides en aspersion est désormais interdit. La lutte chimique pose par ailleurs le problème de la possible apparition de résistances aux insecticides chez les populations de ravageurs. A ce niveau, on peut envisager d’alterner les substances employées, qui appartiennent à 5 grandes familles. Des problèmes de phyto-toxicité pourraient aussi apparaître chez les palmiers traités, notamment en cas de non-respect des doses utilisées.
2. L’assainissement mécanique. Cette méthode de cure des palmiers infestés permet l’éradication du foyer d’infestation tout en offrant une chance de survie à l’arbre. Il s’agit d’une taille sévère, qui conduit généralement à l’ablation de l’ensemble de la couronne foliaire. Ce genre de taille fait toutefois partie des techniques traditionnelles de culture de Phoenix canariensis pratiquées dans son habitat naturel, les îles Canaries, afin de pouvoir exploiter la sève de l’arbre, laquelle est ensuite transformée en miel. En ce qui concerne les palmeraies de dattiers, des pratiques similaires sont connues dans les oasis pour la production de vin de palme. Il est établi que ces pratiques séculaires n’affectent pas la survie de l’arbre. L’assainissement mécanique rencontre cependant d’autres écueils, dont son coût élevé difficilement supportable pour les petits propriétaires et le fait que chez Phoenix dactylifera l’infestation se fait souvent à la base du stipe. Lorsque l’infestation a atteint un stade trop généralisé, l’assainissement rencontre par ailleurs ses limites, en l’occurrence une forte probabilité de ré-infestation et d’attaques fongiques. Il est nécessaire pour ces raisons de procéder ensuite à un double traitement, insecticide et antifongique. Cette technique s’est révélée globalement peu efficace sur la durée.
3. L’assainissement chimique. Les avancées de la recherche en matière de lutte chimique ont offert de nouvelles perspectives pour les palmeraies ornementales, avec l’injection d’insecticides dont la permanence est longue (plusieurs mois). Ces insecticides chimiques sont ainsi injectés dans le stipe du palmier, afin qu’ils soient véhiculés par la sève en direction du sommet de la plante. Ce procédé a de plus un faible impact sur l’environnement (l’insecticide restant confiné dans le stipe). Il est particulièrement intéressant au niveau d’une palmeraie récemment infestée, car il permet, outre de prévenir de nouvelles infestations, d’assainir les palmiers en atteignant directement les larves. Du fait des blessures qu’elle cause, l’injection est toutefois limitée dans le temps. L’idéal serait de ne la pratiquer qu’une ou deux fois et de la compléter ensuite par des traitements d’insecticides par aspersion, et surtout par l’adoption d’une Stratégie de Lutte Intégrée (IPM).
En savoir plus: les solutions Syngenta contre les ravageurs des palmiers. Les principaux pesticides qui ont été évalués et autorisés pour cet usage (en Europe et au Maghreb) sont actuellement ceux proposés par la firme Syngenta. D’autres substances sont toutefois utilisées dans divers pays, et il manque une étude comparative de leurs résultats. Les trois principales substances mises sur le marché par Syngenta relèvent de protocoles qui diffèrent en fonction des pays concernés, avec des tarifs eux aussi très diversifiés. Leur efficacité fait encore l’objet de polémiques.

THIAMETHOXAM. Cet insecticide multicultures est destiné au traitement des parties aériennes dans la lutte contre les insectes piqueurs suceurs des pommiers, de la pomme de terre, des cultures légumières, du tabac et des PPAMC non alimentaires. Il est aussi destiné à la lutte contre le doryphore sur aubergine, pommes de terre et tomate. ACTARA est un produit largement commercialisé en Italie, où l’injection est par ailleurs une technique courante. Sa substance active (thiamethoxam) possède une rémanence de plusieurs mois et se diffuse dans le palmier. L’injection se fait au moyen de 2 à 4 trous (de 20 à 30 centimètres de profondeur) pratiqués à hauteur d’homme avec une inclinaison vers le bas de 45°. Un injecteur (une simple seringue dite de gavage) est enfoncé dans le trou au moyen d’un marteau ou d’un maillet, puis rempli d’une solution de 2,5g de produit dilués dans 10 cl d’eau. Cette technique d’injection est d’un coût réduit (quelques euros par palmier).

ABAMECTIN. Cet insecticide est largement employé pour la lutte contre les acariens de la courgette, des pommiers, poiriers, fraisier, rosier ou encore contre la mineuse des agrumes et de la tomate. La substance active du Vertimec est l’Abamectin (ou Avermectin), injectée en dillution (50-100 mL/hL d’eau) pendant la saison de vol des charançons. Elle est diffusée en Italie depuis 2013 par la Société GEA qui préconise le système espagnol SOSPALM. Il s’agit de l’installation de canules introduites à demeure dans le stipe. Le traitement est mensuel, en alternance avec le Kohinor Plus (Makhteshim Agan – Italia), un mélange à base de ciflutrin et d’imidaclopride, ainsi que des aspersions à la fin du printemps et au début de l’automne. Lien vers la présentation de la société GEA : cersaa.it

EMAMECTINE. L’injection de pesticides a été autorisée en France en janvier 2014, avec la mise sur le marché du REVIVE. Il s’agit d’une substance dont la rémanence est elle aussi de plusieurs mois, l’Emamectine benzoate. L’injection se fait au moyen de 2 à 4 trous, de 15 à 30 centimètres de profondeur (mais ne représentant pas plus d’un tiers du diamètre du stipe) pratiqués généralement à hauteur d’homme (mais jamais à moins de 50 cm de la base de la couronne). 50 ml de ce produit sont répartis entre les différents trous. Au niveau de nos retours d’expériences, cette technique de lutte rencontre une rémanence limitée à 5 ou 6 mois. Elle est actuellement expérimentée à l’échelle d’un territoire par la Cavem (dans le cadre du Projet Arecap), avec à ce jour de bons résultats.
En savoir plus
Rapport de l’Anses sur l’expérimentation de la CAVEM en cours en Région PACA: Cavem 2017
THOMAS R. 2013. L’anatomie des palmiers et les techniques d’endothérapie. Quelles conséquences physiologiques? In: AFPP, Colloque méditerranéen sur les ravageurs des palmiers, Nice –16, 17 et 18 janvier 2013. Lien
Une alternative à la perforation : l’effet Venturi. Cette technique d’injection est développée depuis 2013 par l’Université de Padoue (Italie). L’injecteur est introduit par percussion entre les fibres. Lien vers la présentation scientifique: www.ncbi.nlm.nih.gov
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