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2.Bordighera

Citer l’article : CASTELLANA et alii 2016. Recueil de données relatives au transfert en cours du ravageur des palmiers, Rhynchophorus ferrugineus, en direction de nouveaux hôtes à Bordighera (Italie). CRP éditeur. Edition en ligne. Lien :  Bordighera

SOMMAIRE

1. Principales populations de palmiers présentes à Bordighera

2. Protocoles d’observation du transfert du ravageur vers Phoenix dactylifera

3. Résultats des observations conduites entre 2013 et 2016

ABSTRACT. Les principaux jardins et associations de Bordighera (Italian Riviera) ont créé en 2014 le Collectif ‘Non c’e più tempo, dans le but de fédérer les initiatives et de mutualiser les moyens. Ce Collectif s’est élargi par la suite en direction des jardins botaniques de la région française frontalière avec le réseau Riviera Gardens. Cette mise en réseau s’est déroulée dans le contexte très préoccupant de la diversification en cours des cibles du ravageur vers le palmier dattier, un problème qui concerne aussi l’ensemble des pays du Sud méditerranéen. La compréhension de la dynamique de ce transfert est essentielle du fait des menaces qu’elle représente pour l’ensemble des espèces de palmiers, voire même pour d’autres plantes d’intérêt. Elle est rapportée ici, au travers de données recueillies pour l’essentiel en Italie, où la palmeraie de Bordighera est un terrain d’observation privilégié du fait de la biodiversité exceptionnelle qu’elle présente en matière d’espèces de palmiers.

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1. LES PRINCIPALES POPULATIONS DE PALMIERS PRESENTES A BORDIGHERA CLASSEES PAR ORDRE D’IMPORTANCE DANS LA PALMERAIE

Historique de l’infestation à Bordighera et caractéristiques de la palmeraie  

Bordighera RPW infestation

Etabli à partir des données fournis par les Services Espaces Verts, ce graphique visait à anticiper l’évolution à venir de l’infestation. L’année 2013 se situe au stade +6 à Bordighera (soit 6 années après la première infestation). Les modalités de l’infestation présentent des caractéristiques singulières sur le territoire de la commune italienne de Bordighera, où le ravageur (présent depuis 2007) est désormais en train de diversifier ses cibles. Elles sont dues au fait, qu’à la différence de la plupart des régions voisines, le transfert du ravageur ne concerne pas ici une population résiduelle. Phoenix canariensis est certes prédominant, mais avec une population rurale (jusqu’à présent épargnée) équivalente à la population urbaine. Phoenix dactylifera, Washingtonia spp. et Chamaerops humilis présentent eux aussi des densités élevées, plus faibles mais tout de même comparables. Plusieurs autres espèces comme Brahea spp., Livistona spp., Phoenix reclinata, Syagrus romansoffiana, Trachycarpus fortunei totalisent par ailleurs elles aussi des densités significatives, ainsi que des populations issues de l’hybridation entre plusieurs espèces du genre Phoenix. Des introductions massives de palmiers de substitution sont enfin en cours, en vue de remplacer à terme les Phoenix canariensis abattus (un millier d’exemplaires à ce jour). Malgré cette forte biodiversité, le charançon s’est jusqu’à présent développé, ici comme ailleurs, sur le seul Phoenix canariensis pendant les 6 premières années. Les observations qui suivent concernent le transfert (qui semble en cours désormais) du ravageur vers les populations de palmiers dattiers de la palmeraie historique. Elles visent aussi à rendre compte des menaces pour la sécurité publique que pourrait poser l’expansion du ravageur en direction de cette nouvelle cible.

PHOENIX CANARIENSIS. En dehors des populations urbaines, P. canariensis est présent à Bordighera en nombre comparable sur 4 sites ruraux. Le premier est situé à l’embouchure du vallon de la palmeraie historique, en zone littorale, les autres étant des pépinières ensauvagées, réparties tout au long des vallons. Ces palmeraies ensauvagées de Phoenix canariensis ne sont que marginalement touchées actuellement, à la différence des zones urbaines où ce palmier est en cours d’éradication. Des palmiers infestés ont pourtant été régulièrement recensés dans ces zones depuis plusieurs années. La résistance de ces palmeraies ensauvagées pourrait laisser penser à la présence d’antagonistes au ravageur, dont l’existence est effectivement attestée en dehors de l’Europe et de ses palmeraies urbaines. Une autre hypothèse serait que le charançon privilégie le milieu urbain, pour le moment du moins.

Phoenix canariensis plantation Bordighera

Ill. vue de l’une des palmeraies ensauvagées de P. canariensis à Bordighera (Castellana 2014)

PHOENIX DACTYLIFERA. La palmeraie historique de Bordighera se situe dans le torrent du Sasso, une friche agraire qui se trouve à l’est de la commune. Elle a abrité jusqu’à plus de 10000 Phoenix dactylifera entre le Moyen-âge et le XIX° siècle. Elle renferme à présent un millier de dattiers, répartis sur 2 sites principaux, la Villa Garnier et le Jardin Expérimental Phoenix. Une population équivalente de ces mêmes palmiers est aussi présente en zone urbaine. Il s’agit de palmiers à haut risques, notamment du fait de la présence systématique de rejets, le ravageur attaquant préférentiellement cet arbre au niveau de jeunes spécimens. Il est par ailleurs très difficile de déceler l’infestation, souvant asymptomatique, chez ce palmier.

RPW phoenix dactylifera Ventimiglia 2013

Ill. chute d’un palmier dattier sur une voiture (Vintimille-Italie 2013)
En novembre 2012, un premier palmier dattier infesté est signalé en centre-ville. Un second dattier infesté est identifié en octobre 2013, cette fois-ci dans le Jardin Expérimental de la palmeraie historique. 6 spécimens sont officiellement déclarés en 2014. S’il s’avérait, le transfert du ravageur vers le dattier pourrait rapidement poser des risques pour la sécurité des personnes, avec l’éventuel effondrement de ces palmiers sur la voie publique dont il existe déjà plusieurs attestations dans d’autres régions, l’une d’entre elles ayant même entrainé un décés.

CHAMAEROPS HUMILIS. Ce palmier est l’un des deux palmiers autochtones méditerranéens. Il est présent à Bordighera dans les espaces verts publics ou privés, ainsi que dans les plantations destinées à la production de feuillage coupé pour les fleuristes. Ces dernières sont situées dans la partie rurale des vallons, avec environ un millier d’exemplaires. Ce palmier est par ailleurs menacé par un autre ravageur, Paysandia archon.

RPW chamaerops humilis Bordighera

Ill. plantation de Chamaerops humilis exploitée pour les compositions florales à Bordighera (Castellana 2015)

Chamaerops humilis semblerait toutefois présenter une forme de résistance naturelle au charançon, consistant dans la production d’une substance gommeuse lors d’une perforation. Il n’abriterait par ailleurs que des faibles populations de ravageurs (de l’ordre d’une dizaine de spécimens). Le transfert du ravageur vers cette ressource est en cours à Bordighera depuis 2014, en Sicile depuis 2011 (Giovino et alii 2012). S’il s’avérait, il constituerait une catastrophe écologique majeure, du fait de l’importance des populations actuelles de Chamaerops en Sicile, en Espagne, en Tunisie et au Maroc pour l’essentiel. Ces populations représentent par ailleurs une ressource économique importante dans ces régions.

RPW Paysandia Washingtonia Murcia 2012

Ill. un palmier Washingtonia infesté en Espagne (Murcia 2012)

WASHINGTONIA SP. Les palmiers du genre Washingtonia sont extrêmement nombreux dans les jardins publics et privés de Bordighera, mais en zone urbaine exclusivement. Ce palmier est lui aussi menacé par Paysandia archon. Comme le Chamaerops, il émet une substance gommeuse lors d’une perforation, ce qui le rendrait relativement résistant à sa colonisation par le charançon. L’éventualité d’un transfert du ravageur vers ce palmier (déjà attestée dans plusieurs régions dont le Jardin Winter de Bordighera en 2014 et à nouveau en 2015 dans cette même ville), constituerait une menace grave pour l’ensemble des palmeraies ornementales en Europe comme aux Etats-Unis. Il s’agit en effet d’un palmier ornemental d’importance mondiale, juste derrière Phoenix canariensis.

AUTRES ESPECES PRESENTES DE MANIERE SIGNIFICATIVE A BORDIGHERA

Bordighera Italian Riviera Ente Autonoma Stazione Climatica

Ill. Agava americana dans une affiche touristique italienne

AGAVES SP. Très présentes dans la région, les différentes espèces d’agaves constituent, à Bordighera, l’une des principales concentrations de ces populations sur le littoral azuréen. Il s’agit essentiellement d’Agava americana. Dans la zone du Cap San Ampeglio (en bord de mer et au cœur de la palmeraie historique), ces populations ont créé un paysage remarquable. Leur présence est par ailleurs liée au rôle joué par Bordighera dans l’introduction des plantes grasses et succulentes en Europe. Ces plantes ont été (et restent) ainsi fortement liées à l’imagerie touristique de la ville, et de ses jardins exotiques et pépinières. Les populations d’agaves sont très nombreuses en Méditerranée, notamment dans des zones rocheuses et inaccessibles. Le transfert du ravageur vers ces populations serait particulièrement catastrophique dans les régions où il est utilisé pour diverses productions, comme par exemple au Mexique où cette plante produit la Tequila. Pour le moment, il s’agit d’une autre espéce de charançon qui menace ces plantes.

Jardin Winter. Outre les plantations urbaines, est plus particulièrement concerné le Jardin Winter, un jardin d’acclimatation de palmiers remontant au XIX° siècle, lequel renferme une trentaine d’espèces de palmiers. Ce jardin représente en effet l’une des plus importantes concentrations de diversité génétique de la région en la matière, et constitue ainsi la cible privilégiée d’une éventuelle diversification de l’installation du ravageur. Cette diversification est en cours depuis 2014 (Castellana 2014).

Palmiers de substitution (var. sp.). Diverses espèces de palmiers ont par ailleurs été introduites ces dernières années à Bordighera, afin de remplacer les palmiers disparus. Il s’agit de spécimens jeunes, qui pourraient de ce fait devenir rapidement la cible du ravageur, et favoriser ainsi son exploration de nouvelles ressources. La Mairie ayant annoncé vouloir remplacer l’ensemble des Phoenix canariensis, au fur et à mesure de leur infestation (soit un millier de spécimens), ces populations juvéniles risquent de prendre une importance grandissante dans la composition de la palmeraie urbaine.

Hybrides de Phoenix. Un grand nombre d’hybrides se trouve sur le territoire communal. L’hybridation en question concerne essentiellement le genre Phoenix. Elle a fait récemment l’objet d’un début d’inventaire (Bourguet 2013). Outre leur intérêt ornemental, ces palmiers hybrides pourraient eux-aussi présenter des phénomènes de résistance au ravageur qui mériteraient d’être attentivement observés et étudiés.

Trachycharpus fortunea

Paysandia Trachycarpus fortunei

Ill. Exemplaire de Trachycharpus fortunei infesté par le ravageur Paysandia archon

L’infestation de ce palmier par Rhynchophorus a aussi été signalée en Sicile (Longo et alii 2011)

Brahea spp. L’infestation de ces palmiers par Rhynchophorus a été signalée en Sicile (Longo et alii 2011), puis en 2014 et 2015 en Ligurie.

Livistona spp. L’infestation de ces palmiers par Rhynchophorus a été signalée en Sicile (Longo et alii 2009)

Syagrus romansoffiana. Ce palmier a été récemment introduit de manière importante dans les palmeraies urbaines de nombreuses régions. Son infestation par Rhynchophorus a été signalée en Sicile (Longo et alii 2009)

Butia capitata. Une infestation de Butia capitata a été signalée en 2013 dans un jardin public de Bordighera.

Jubea chilensis

RPW jubea chilensis

Ill. exemplaire de Jubea chilensis infesté

Il s’agit d’un palmier à croissance très lente, dont il existe quelques spécimens très âgés sur la Riviera italienne et la Côte d’Azur. L’infestation de ce palmier par Rhynchophorus a été signalée en Sicile (Longo et alii 2011) et plus récemment (2015) à Antibes dans le Jardin historique de la Villa Thuret où il a privilégié ce palmier parmi une trentaine d’autres espèces.

2. PROTOCOLES D’OBSERVATION DU TRANSFERT DU RAVAGEUR VERS PHOENIX DACTYLIFERA

Cartographie en ligne de l’infestation de Phoenix dactylifera à Bordighera (2015)

https://www.google.com/maps/d/embed?mid=zvSIidzFibkY.kVfXebNNjUYw

Rynchophorus ferrugineus est un ravageur palmivore opportuniste, qui change facilement d’espèce hôte pour s’adapter à de nouveaux contextes. Originaire d’Indonésie, où il infeste de façon marginale diverses espèces de palmiers équatoriaux, il a ainsi récemment colonisé les cultures de dattier du Moyen Orient, avant d’arriver en Europe. Introduit par le biais de palmiers dattiers importés (d’Egypte ou d’autres pays) pour les plantations urbaines ornementales, le ravageur rencontre une situation nouvelle et change immédiatement de cible. Il s’installe dès lors systématiquement sur les plantations ornementales de Phoenix canariensis, une espèce qui domine largement les espaces verts urbains. La brutalité de l’infestation conduit en quelques années à la disparition massive de l’hôte, et se ralentit ensuite avec le transfert du ravageur vers la ressource résiduelle de palmiers. La compréhension de la dynamique de ce transfert est essentielle du fait des menaces qu’elle représente pour l’ensemble des espèces de palmiers, voire même pour d’autres plantes d’intérêt. Nous avons mis en place, à la fin 2015, un protocole de surveillance de la palmeraie médiévale de dattiers de Bordighera (1000 spécimens) visant à estimer le rythme et les modalités de l’infestation. Il a fait l’objet d’une cartographie Google Map en ligne à cette adresse : www.google.com/maps

Contexte de l’observation.  La population de P. dactylifera à Bordighera est estimée entre 1000 et 2000 individus, en majorité de grande taille, avec une proportion faible mais significative de spécimens cespiteux. Elle se répartit pour moitié environ entre la palmeraie historique (zone rurale) et le centre ville.

Historique de l’infestation (données très partielles en l’absence d’un monitorage rigoureux à ce jour). 1ère infestation P. dactylifera : 2012 (individu de grande taille). 2ème infestation P. dactylifera : 2014 (6 specimens). En 2O15, 7 P. dactylifera de grande taille infestés sont repérés simultanément dans les 3 principaux quartiers de la commune, ce qui laisse penser à la possibilité d’un transfert en cours du ravageur vers ce nouvel hôte.

Méthodologie et objectifs de l’étude. Le but de ces observations est de chercher à estimer : *la dynamique à venir de l’infestation, *le ratio d’infestation entre palmes de grande et petite taille. Un éventuel transfert du ravageur vers les P. dactylifera de grande taille conduirait à l’éradication du paysage de la palmeraie historique. La forte probabilité d’attaque en dessous de la couronne foliaire chez ce palmier pourrait aussi entrainer des chutes présentant de grands risques en matière de sécurité publique. Si une attaque s’avérait au niveau des rejets, elle pourrait aller jusqu’à des chutes de palmiers entiers.

Résultats attendus. Cette évaluation de la dynamique de l’infestation vise tout d’abord à faire le point sur notre stratégie de lutte dans le Jardin Expérimental. Nous traitons en effet actuellement uniquement les palmiers de petite taille, ainsi qu’au niveau des rejets, par aspersion d’un insecticide biologique (nématodes). Traiter des spécimens de grande taille s’avère plus complexe. Le transfert éventuel du ravageur vers le palmier dattier, s’il s’avérait, pourrait par ailleurs intéresser plusieurs villes majeures de la Cote d’Azur outre Bordighera et Sanremo, comme Nice, Menton et Hyères, des villes auxquelles une grande partie des palmiers de Bordighera ont été vendus au XX° siècle.

 Population observée. 4 échantillons de 100 palmiers dattiers numérotés, génotypés et décrits morphologiquement et environ 300 palmiers situés au voisinage de ces échantillons. Total : environ 700 spécimens. Répartition : palmeraie historique et centre ville.

Type d’observation. Observation visuelle participative de 2 types de symptômes d’infestation précoce: la présence de feuilles rongées ou anormalement inclinées.

Renseignements sollicités. Date de l’observation, Taille et sexe du spécimen, Adresse

Collation des informations. Les informations recueillies sont rassemblées sur une cartographie Google map, un support qui permet à la fois la localisation des spécimens infestés et la publication pour chacun d’entre eux d’une fiche descriptive illustrée de photographies.

3. RESULTATS DES OBSERVATIONS (2013-2016)

RESULTATS FIN 2016. Le rythme de l’infestation est demeuré cette année au même niveau que les années précédentes, soit 1% de l’échantillon suivi (un millier de palmiers dattiers). Ces données semblent correspondre à celles relevées dans les oasis dattières (voir le lien ci-dessous). Les palmiers de notre échantillon sont en effet des palmiers âgés de grande taille, lesquels seraient moins susceptibles d’infestation. Il n’en demeure pas moins que ce genre d’infestation demeure le plus souvent asymptomatique, ce qui conduit à la chute du palmier infesté. Une situation qui présente de grands risques en milieu urbain. En savoir plus: AZAM KM, RAZVI SA, LA-MAHMULI I 2001. Survey Of Red Palm Weevil (Rhynchophorus Ferrugineus Oliver) Infestation In Date Palm In Oman. Lienpubhort.org

RESULTATS FIN 2015. Sur deux années d’observations, le rythme de l’infestation est stable. Il se monte à 1% de l’échantillon. Il est à noter que, depuis octobre 2013, aucune infestation n’a été relevée au niveau des 300 spécimens du Jardin Expérimental, à l’exception d’un rejet de très petite taille qui a révélé la présence de 5 cocons. Un palmier dattier de grande taille a par contre été infesté dans la propriété voisine.

Infestation d’un rejet de palmier dattier dans le Jardin Expérimental. Identification de l’arbre : Phoenix dactylifera. Planche n°5. N° ID 4635. Description de l’arbre : Palmier avec 2 stipes de grande taille et plusieurs rejets de petites dimensions. Circonstances de l’infestation : Il s’agit d’un palmier oublié lors de la taille des rejets superflus. C’est au niveau de l’un de ces rejets qu’a été découverte l’infestation. Le rejet était mort, les feuilles désséchées. Description des hotes : 5 larves de très petite taille (long < 1cm) et un cocon vide. Dimension de la cavité infestée : Entre 10 et 20 cl de volume. Traitement : Destruction de la partie infestée, nettoyage et désinfection de la base des stipes, inspection des rejets. Suivi : balisage du palmier pour observation, afin de détecter une éventuelle contamination au niveau des stipes ou des rejets. Commentaires : Ce type d’infestation aurait pu passer inaperçu. Si les rejets superflus n’avaient pas été éliminés, l’ensemble du jardin pourrait actuellement être infesté, ou en cours d’infestation.

Création du réseau Riviera Gardens. Suite à un appel à soutien, la Communauté juive de la Côte d’Azur et de la Principauté de Monaco ont invité un chercheur israélien, Victoria Soroker, qui est l’un des membres du Projet Européen de lutte PALM PROTECT. Nous nous sommes rendus en sa compagnie dans les principaux jardins botaniques de la région pour un état des lieux. Victoria Soroker a ensuite présenté la stratégie de lutte intégrée (Integrated Pest Management = IPM) à l’invitation de la Principauté de Monaco. Son intervention nous a conduits à mettre en œuvre une stratégie de lutte qui reprend les 4 piliers de l’IPM. 

RÉSULTATS FIN 2014. Infestation d’un palmier dattier de grande taille dans la pépinière du Jardin Expérimental. Il s’agit d’une infestation asymptomatique, découverte fin 2014 à la suite de la chute de feuilles renfermant des cocons à la base, dans lesquels se trouvaient des larves vivantes. Ce palmier a été abattu le 7 mai 2016. La partie sommitale était en excellent état, avec des inflorescences émergentes. Il n’a pas été possible de la disséquer, mais aucun charançon adulte n’a été découvert lors de l’abattage. Un appel à collaborations a été lancé en 2014 auprès de nos réseaux. Deux chercheurs ont répondu dans un premier temps, Jean Christophe Pintaud, directeur de Recherches à l’IRD et le directeur de la Station Phoenix espagnole de l’INRA, Michel Ferry. Plusieurs mesures de prévention ont été mises en œuvre suite à leurs conseils.

Bordighera RPW in historical palm-garden 2013

RÉSULTATS FIN 2013. Sur cette photo,  prise le 1 novembre 2013 dans la palmeraie médiévale de dattiers de Bordighera, un Phoenix canariensis arrivé à un stade avancé d’infestation. Un Phoenix dactylifera voisin semble présenter lui aussi des signes d’attaque. Un tel foyer d’infestation (à ce stade tardif il peut s’agir de plusieurs centaines d’insectes), constitue une menace pour l’ensemble du site historique avec le transfert en cours du ravageur vers la ressource de palmiers dattiers.

*Le 11-10-2013, nous avons découvert un Phoenix canariensis infesté situé dans un jardin privé attenant au site du Jardin Expérimental de la palmeraie historique de palmiers dattiers (ID canariensis n°1). L’infestation avait atteint un stade très avancé, sans aucun symptôme visible avant un effondrement brutal de toutes les palmes au niveau de la couronne basale, suivi quelques jours plus tard de la chute de la frondaison centrale. L’arbre avait été rapidement abattu et les déchets laissés à sécher sur place, après traitement insecticide, puis incinérés. Nous avons dés lors initié un contrôle des palmiers sur l’ensemble de la zone voisine, contrôle limité du fait de la présence de nombreux spécimens sur des terrains privés. Une infestation atypique a été découverte le 17-10-2013 dans le Jardin Expérimental, sur un palmier dattier abattu. Elle a été suivie d’une ré-infestation du stipe laissé en place, découverte le 07-05-2016 lors de sa chute.

Bordighera (Italy) 2015 Jardin Phoenix 4644 (1)

*Le palmier concerné (n° ID 4644, sexe male, hauteur de stipe ca 8 m) était tombé en juin, soit plus de 3 mois auparavant, suite à un épisode venteux. Il s’était fendu en deux à mi-hauteur du stipe, sur une longueur de près de 3 m. La partie de stipe tombée au sol avait été découpé en tronçons d’une dimension d’environ 60 cm, vers le 15 septembre. Aucun charançon n’avait été trouvé dans ces tronçons (fendus en deux) qui avaient été dispersés en bordure de la terrasse. La partie sommitale avait été effeuillée puis découpée en 4 morceaux qui avaient été posés par terre, au centre de la terrasse. La partie terminale du stipe allait révéler (le 17 octobre) une cavité de la taille d’un œuf d’autruche. Située au contact du sol, elle renfermait une population composée d’une 30aine de larves de 2 tailles et de 4 adultes, dans des tissus en phase de fermentation avancée. Aucun cocon n’a par contre été retrouvé, ce qui témoigne donc d’une infestation récente.

Bordighera (Italy) 2015 Jardin Phoenix 4661

*Un second palmier (n° ID 4661, sexe femelle, longueur de stipe 3m50) s’était lentement incliné au cours de l’été, jusqu’à atteindre un angle de 45°. Un poteau de soutien avait alors été installé afin d’éviter sa chute définitive. L’arbre était encore vivant, lorsqu’on a procédé à sa découpe (vers le 15 septembre), en tronçons de stipes d’une dimension d’environ 60 cm, fendus en 2 dans la longueur. Ils avaient ensuite été empilés sur une hauteur approximative de 60 cm et une largeur équivalente. La partie sommitale avait été taillée à la même longueur, après effeuillement et elle aussi fendue en 2, puis déposée à côté du tas. Un examen du dispositif effectué le 17 octobre a révélé la présence d’une 15aine de charançons réfugiés dans l’empilement, notamment dans les fentes longitudinales qui s’étaient formées naturellement sur certains morceaux de stipes. Aucun signe d’infestation n’a par contre été relevé.

Bordighera (Italy) 2015 Jardin Phoenix 4661 (2)

*Le traitement appliqué a consisté à noyer les insectes et les larves récoltés. La partie sommitale infestée ainsi que les 3 autres tronçons sommitaux du même arbre (c’est à dire la base de la frondaison centrale), ont été disposés dans une zone de confinement et traitées par aspersion d’une solution diluée de Reldan. Les tronçons de stipes ne présentant pas de signes d’infestation ont été laissés dans la même disposition, et ont fait l’objet d’une inspection bi-hebdomadaire. 4 insectes ont ainsi été découverts la semaine suivante dans les fentes de tronçons de stipes mises à sécher en tas, puis à nouveau 5 insectes une semaine plus tard (29 octobre) et 7 autres le 1° novembre. Ce dispositif semblerait donc constituer une sorte d’abri provisoire, permettant si l’on procède à une inspection régulière un contrôle régulier des insectes présents et leur éventuelle capture. La légèreté des tronçons, du fait de leur petite taille rend très facile leur manipulation lors d’une telle inspection. La sécurité est par ailleurs maximale, car toute ponte dans de telles conditions ne pourrait être conduite à terme. On pourrait par ailleurs envisager de coupler ce type de dispositif avec un piège à phéromones, afin d’améliorer son attractivité et de l’installer dans une zone non boisée de la palmeraie.

Bordighera (Italy) 2015 Jardin Phoenix 4644  (3)

* La partie fendue en deux et restée en place du palmier n° ID 4644 est tombée au sol le 2 mai 2016, suite à un épisode venteux qui a vu la chute de deux autres palmiers dans le voisinage du jardin Expérimental (palmiers non infestés mais très âgés). La partie de stipe tombée au sol mesurait 2m80. Son examen a révélé une infestation généralisée, avec la présence de quelques spécimens adultes morts et de nombreux cocons en partie ouverts et en partie fermés, avec des traces de larves à l’intérieur à divers stades de métamorphoses pour ces derniers.

Commentaires. Les observations précédentes (octobre 2013) ont montré que la chute originelle de ce palmier ne vient pas de son infestation. L’infestation aurait donc concerné simultanément les différentes parties du même arbre après sa chute. Nous avons recueilli dans ce sens le témoignage d’un jardinier qui avait déjà rencontré des infestations de parties sommitales abattues, et qui désormais prend soin de les traiter de manière préventive. La présence d’insectes adultes dans le tas de tronçons de stipes de l’arbre encore vivant lors de l’abattage, semble s’expliquer du double fait que : *le RPW réside désormais sur le site (où il est en train de chercher à s’installer sur d’autres palmiers) *et qu’il est attiré par l’odeur de ces déchets récents.

Bordighera Rio Sasso nov 2015 (1)

COMPTE-RENDU DES OBSERVATIONS MENÉES A PARTIR DE
2013 DANS LA PALMERAIE HISTORIQUE.
Un contrôle du site de la palmeraie historique a été réalisé entre le 18 octobre et le 2 novembre 2013. Il avait pour objectif de collecter un maximum de données relatives à  l’état initial de l’infestation des palmiers sur le site, des informations nécessaires à l’élaboration d’un scénario de sa progression future. L’inspection a révélé une 20aine d’exemplaires de Phoenix canariensis infestés. L’infestation était généralement arrivée à un stade très avancé, plusieurs spécimens étant même déjà morts et en train de se dessécher sur pied. Plusieurs chutes de la frondaison centrale ont par ailleurs été observées, la plus spectaculaire (ID canariensis n°3) concerne un exemplaire situé dans la partie publique du Jardin Winter. La frondaison concernée, qui doit peser une 60aine de kilos, est tombée au milieu des jeux pour enfants installés dans le Jardin. L’inspection a par ailleurs révélé une dizaine de spécimens de Phoenix dactylifera présentant des symptômes d’infestation. Nos observations ont été partiellement confirmées en 2014 par les Services des Espaces Verts, qui ont relevé 7 palmiers dattiers infestés sur le territoire.

N° ExemplaireObservationInfestationLocalisationTraitement
Canariensis 103-10-2013terminalJardin Exp.13-10-2013
Canariensis 218-10-2013probableVia Beodo 38en attente
Canariensis 318-10-2013terminalParc Winter08-11-2013
Canariensis 425-10-2013probableJardin Winteren attente
Canariensis 525-10-2013probableSasso basen attente
Canariensis 601-11-2013suspectVia Colli 7en attente
Canariensis 701-11-2013probableParc Winter08-11-2013
Canariensis 801-11-2013terminalJardin Winteren attente
Canariensis 8 bis08-11-2013terminalJardin Winteren attente
Canariensis 901-11-2013terminalSasso Biuen attente
Canariensis 1001-11-2013terminalBeodo (haut)en attente
Canariensis 1101-11-2013terminalParc Winter08-11-2013
Canariensis 1201-11-2013terminalVia Campo Santo 39en attente
Canariensis 1301-11-2013suspectVia Aurelia 44en attente
Canariensis 13 bis08-11-2013probableVia Aurelia 38en attente
Canariensis 1401-11-2013terminalLunassaen attente
Canariensis 1501-11-2013terminalLunassaen attente
Canariensis 1601-11-2013terminalLunassaen attente
Canariensis 1701-11-2013terminalLunassaen attente
Canariensis 1801-11-2013probableParc Winteren attente
Dactylifera 117-10-2013initialJardin Exp.17-10-2013
Dactylifera 218-10-2013probableVia Beodo 38en attente
Dactylifera 318-10-2013probableVia Beodo 38en attente
Dactylifera 425-10-2013suspectJardin Winteren attente
Dactylifera 525-10-2013probableVia Beodo 36en attente
Dactylifera 601-11-2013suspectVia Colli 15en attente
Dactylifera 701-11-2013suspectVia Garnier 28en attente
Dactylifera 801-11-2013probableVia Winteren attente
Dactylifera 901-11-2013suspectVia Campo Santo 39en attente
Dactylifera 1008-11-2013probableVia Beodo 60en attente
PALMERAIE MEDIEVALE DE BORDIGHERA. Palmiers infestés ou suspects d’infestation versus intervention. MISE A JOUR: 8 novembre 2013

Commentaires. L’automne constitue le pic principal en matière de reproduction du charançon (avec le printemps). Cette saison 2013 a été particulièrement chaude, ce qui ne pouvait que favoriser la reproduction de la population de ravageurs présente à Bordighera. L’inspection conduite à cette date montre tout d’abord une progression inquiétante du ravageur dans le site du Jardin Winter. Le stade très avancé auquel sont arrivés les palmiers infestés avant intervention a vraisemblablement conduit à la dispersion de plusieurs milliers d’insectes adultes. Ces derniers sont donc en train de s’installer sur le reste de la ressource, laquelle demeure très  importante (500 Phoenix canariensis recensés initialement). Il serait souhaitable d’agir plus rapidement sur les palmiers infestés afin d’éviter ce type de dissémination massive, qui peut se révéler exponentielle. L’absence d’intervention est particulièrement préoccupante dans les terrains privés du vallon voisin de la Lunassa. L’an dernier déjà, plusieurs palmiers infestés avaient ainsi laissés à sécher sur pied. Si la situation perdure, ce vallon va devenir le principal foyer d’infestation de Bordighera dès l’an prochain. Nos observations montrent par ailleurs que la colonisation des populations de Phoenix canariensis disséminées dans la palmeraie historique est en cours. Elle confirme probablement l’existence actuelle d’une population surnuméraire de ravageurs, laquelle a commencé à explorer de nouvelles ressources, dont les palmiers dattiers présents sur le site. L’existence de plusieurs bosquets de Phoenix canariensis dans la partie haute du vallon (que nous estimons à un millier de spécimens), laisse penser à l’installation prochaine de nouveaux foyers d’infestations. L’absence de viabilité va rendre problématique toute intervention sur ces terrains.

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